Allocution devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense concernant le projet de loi S-205

Loi modifiant la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada

Notes pour une allocution de
Marie-Claude Landry, Ad. E.

Présidente
Commission canadienne des droits de la personne

Devant le
Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense concernant le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada

Lundi 16 mai 2016
Ottawa (Ontario)

Monsieur le Président, honorables Sénatrices et Sénateurs, 

Je vous remercie de m’avoir invitée à  participer à  cette discussion aujourd’hui. 

Permettez-moi de vous présenter ma collègue, Fiona Keith, avocate à  la Commission.

Nous sommes heureuses d’être ici et d’avoir l’occasion de discuter du texte de loi qui créerait un organisme de contrôle et de surveillance de l’Agence des services frontaliers du Canada. 

Je suis ici pour vous communiquer deux messages :

Premièrement, il faut collecter des données axées sur les droits de la personne pour mettre en place des mesures efficaces de contrôle et de surveillance du respect des droits de la personne lorsque des services de sécurité nationale sont fournis.

Deuxièmement, tout le monde au Canada, peu importe son histoire ou la manière utilisée pour arriver ici, devrait avoir les protections minimales des droits de la personne. 

C’est pour cette raison que nous avons, comme d’autres, demandé la création d’un mécanisme indépendant de contrôle et de surveillance de l’Agence des services frontaliers du Canada relativement à  la détention des personnes migrantes et d’autres étrangers.

La plupart des lois et règlements qui autorisent les organismes responsables de la sécurité nationale à  agir en notre nom n’abordent pas du tout le respect des droits de la personne.

Nous sommes persuadés qu’un mécanisme efficace de contrôle et de surveillance nécessite la collecte de données axées sur les droits de la personne.

Notre opinion s’appuie sur une dizaine d’années de travaux de recherche sur la sécurité nationale et les droits de la personne dans le contexte canadien, dont le point culminant a été le rapport spécial au Parlement publié en 2011.

Dans ce rapport, la Commission recommandait que le Parlement exige des organismes responsables de la sécurité nationale qu’ils collectent de données axées sur les droits de la personne pour mesurer leur rendement.

Elle recommandait aussi que les organismes responsables de la sécurité nationale soient obligés de diffuser cette information à  la population canadienne.

À l’heure actuelle, il n’existe pas de processus de collecte, de suivi ou de diffusion de données axées sur les droits de la personne lorsque des services de sécurité nationale sont fournis.

Un grand nombre d’organismes ont adopté des politiques visant à  prévenir les actes discriminatoires comme le profilage.

Par contre, peu d’entre eux peuvent faire la preuve que ces politiques sont respectées.

Aucun n’a de données objectives lui permettant de vérifier si, en pratique, il y a des préjugés défavorables injustifiés à  l’égard de certaines personnes en fonction de caractéristiques particulières comme la race, la religion ou l’origine ethnique.

L’inexistence de cette information met à  risque la confiance du public.

La collecte et l’analyse de données axées sur les droits de la personne aideraient les organismes responsables de la sécurité nationale à  faire le nécessaire pour fournir des services dans le respect des droits de la personne.

La publication de ces données augmenterait la confiance du public à  l’égard des activités des organismes responsables de la sécurité nationale.

Au cours de l’année passée, des reportages inquiétants sur la situation dans des centres de détention nous ont convaincus qu’il fallait un mécanisme indépendant de contrôle et de surveillance des activités des organismes responsables de la sécurité nationale pour veiller au respect des droits de la personne au Canada.

Un rapport de l’Université de Toronto et des reportages médiatiques ont mis en lumière les pratiques de l’Agence des services frontaliers concernant la détention arbitraire des personnes migrantes.  Des milliers de personnes migrantes, dont des femmes et des enfants, sont détenues arbitrairement par l’Agence dans divers centres.

Ces gens ne peuvent pas faire respecter leurs droits de la personne.

Cette lacune s’explique en partie par une disposition de la Loi canadienne sur les droits de la personne limitant son application aux gens qui se trouvent légalement en territoire canadien.

Autrement dit, la loi qui a été créée expressément pour protéger les gens contre la discrimination au Canada ne s’applique pas pour certaines personnes parmi les plus vulnérables dans notre pays.

Ce non-respect des droits des étrangers détenus dans des prisons et des centres de détention au Canada représente un enjeu pressant qu’il faut corriger sans délai. 

Je le répète, tout le monde au Canada, peu importe son histoire ou la manière utilisée pour arriver ici, doit être en mesure d’exiger le respect de ses droits de la personne.

Si nous voulons que le Canada soit considéré comme un chef de file dans le domaine des droits de la personne, il s’agit du minimum acceptable.

Pour conclure, je veux préciser que nous trouvons encourageant de pouvoir discuter de mesures à  prendre pour qu’un organisme responsable de la sécurité nationale soit soumis à  un mécanisme efficace de contrôle et de surveillance.

Les motifs pour le faire sont incontournables.

En tant que porte-parole national du Canada relativement aux droits de la personne, la Commission vous demande expressément d’adopter une loi qui fera en sorte que les activités des organismes responsables de la sécurité nationale sont menées dans le respect des droits de la personne.

Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à  vos questions.

Date modifiée :