Cheminer vers un Canada inclusif

Notes d’allocution

Marie-Claude Landry
Présidente
Commission canadienne des droits de la personne 

Congrès national – Fondation canadienne des relations raciales 
Le 26 octobre 2016 
Toronto, Ontario

Merci de votre chaleureux accueil. 

Merci à  la Fondation canadienne des relations raciales d’avoir organisé cet événement. 

Merci à  tous ceux qui ont partagé leurs idées et leurs convictions sur la façon de réaliser un Canada inclusif. 

Permettez-moi de commencer en exprimant mes idées et mes croyances : 

  • Je crois au respect
  • Je crois aux rapprochements
  • Je crois aux liens de confiance 
  • Je crois aux droits de la personne pour tous 

Ces idées peuvent sembler ambitieuses, mais elles prennent racine dans chacune de vos expériences, incluant la mienne. 

« Je suis une fille du Québec. »  Vous avez peut-être conclu que je n’ai jamais vécu la blessure du racisme.  

Mais mon histoire, comme plusieurs des vôtres, est plus complexe. 

Je suis la mère d’une fille mexicaine.
Je suis la grand-mère d’un petit-fils noir. 
J’ai vu les gens les traiter différemment à  cause de la couleur de leur peau. 
J’ai ressenti leur douleur.  
J’ai ressenti leur colère.  
Et je me suis inquiétée pour eux.  

Si je partage aujourd’hui mon expérience personnelle, c’est que j’éprouve beaucoup d’empathie pour ces situations… En fait, ces occasions qui nous permettent de nous imaginer à  leur place viennent du partage de ces histoires et de ces expériences. 

Plus que jamais, je crois qu’il est important de faire la lumière sur ces expériences qui, parfois, contredisent nos valeurs canadiennes fondamentales.

Si je dis « plus que jamais », c’est que je crois qu’il existe une occasion d’apporter des changements profonds à  notre société. 

Permettez-moi de vous expliquer… 

Les Canadiens sont fiers de dire qu’ils vivent la diversité et l’inclusion dans une société où chacun est valorisé. 

Des concepts ignorés et délaissés pendant de nombreuses années sont maintenant reconnus au coeur de nos préoccupations. Dans nos discours politiques. Dans les pages éditoriales de nos journaux. Même intégrés à  la culture populaire. 

Les médias sociaux ont donné une voix à  ces personnes qui partagent leur histoire. 

Cette attention renouvelée même jamais vue, cet intérêt pour la diversité, la tolérance et l’inclusion peut sembler suggérer que nous avons atteint ces objectifs. 

Que le Canada a déjà atteint l’équilibre parfait. 

Que tout le monde est déjà suffisamment inclus. 

Mais est-ce vraiment la réalité ? Vos expériences et vos histoires sont-elles le reflet de cette conclusion ? 

Par exemple, tandis que le Canada est un leader mondial au niveau des attitudes positives à  l’égard de l’immigration et du multiculturalisme, plus tôt ce mois-ci, Angus Reid et la CBC rapportaient que 68 % des répondants préféreraient voir les minorités faire davantage pour « s’intégrer » à  la société dominante

L’été dernier, un rapport Environics rapportait que bien que 84 % des Canadiens croient que les individus ont un rôle à  jouer dans la réconciliation avec les peuples autochtones, seulement 15 % des Canadiens peuvent citer un des appels à  l’action du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation

Pourquoi, pensez-vous ? 

David Matas, auteur et avocat canadien de renommée internationale canadien suggère que les gens ne font rien lorsque la discrimination est vécue par « les autres ». 

Ses propos me font croire que quatre ennemis minent nos efforts à  créer une société véritablement inclusive. 

  • L’indifférence 
  • L’absolutisme
  • L’hypocrisie
  • Un sentiment d’impuissance

Toutefois, quand les gens font l’expérience de la discrimination, ou quand elle est dirigée à  une personne proche, il est plus facile de s’en préoccuper. Voilà pourquoi il devient si important de partager nos histoires. 

Selon Henri David Thoreau :

« Pourrait-il se produire un miracle plus grand que pour nous de regarder un instant avec les yeux des autres ? » 

  • Si nous reconnaissons les expériences des autres
  • Si nous entendons ce qu’ils entendent. Voyons ce qu’ils voient. Ressentons les mêmes émotions.

Si nous appliquons ces principes, traiterons-nous les autres de façon différente ?  

Si nous désirons un changement réel et important, il nous incombe de sensibiliser les autres et de créer l’empathie. 

Je vous soumets trois exemples de situations qui ont permis la discrimination simplement parce que le grand public prend ses distances face à  ceux qui en sont victimes. 

Trois exemples où l’empathie et la compassion peuvent contribuer à  un changement positif, alors que la sensibilisation à  elle seule n’est pas suffisante. 

D’abord, ce n’est un secret pour personne : les peuples autochtones du Canada ont fait l’objet d’une discrimination systémique pendant plus d’un siècle

Au cours des dernières années, la Commission a entendu les femmes autochtones raconter les obstacles qu’elles ont dû franchir pour tenter de faire valoir leurs droits. 

Ce que nous avons entendu était profondément troublant : 

  • Nous avons entendu que le racisme, la violence et la discrimination ont marqué les vies de nombreuses femmes autochtones. 
  • Nous avons entendu que les effets constants du racisme sont devenus normalisés à  un point tel que les femmes autochtones ne les reconnaissent plus quand ils surviennent. 
  • Nous avons entendu que dénoncer le racisme est difficile. Plusieurs femmes autochtones y renoncent par crainte de représailles. D’autres trouvent les processus d’accès à  la justice intimidants et compliqués, tant à  la Commission qu’auprès des tribunaux. 

Plusieurs peuples autochtones vivent cette réalité encore aujourd’hui. 

Alors que nous entendons l’intention du gouvernement de rétablir les liens avec les peuples autochtones du Canada, nous avons tous un rôle à  jouer

Plus que jamais, nous devons assurer que nos gestes soient le reflet de nos paroles. 

Ceci m’amène à  mon deuxième exemple, celui des personnes qui sont là pour servir et protéger, mon deuxième exemple. 

Les policiers ont souvent une tâche ingrate et dangereuse. Par ailleurs, les services policiers efficaces reposent sur le respect mutuel et la confiance entre les policiers et les communautés qu’ils protègent. 

Le profilage racial provoque l’érosion de cette confiance. 

La recherche a démontré qu’en l’absence d’éléments probants, les agents de la paix ont tendance à  baser leurs décisions sur leurs stéréotypes personnels.

Le profilage racial mène à  la criminalisation accrue et à  la surreprésentation des communautés raciales dans notre système carcéral. 

La Commission encourage publiquement les services policiers du Canada et les agences de sécurité à  mettre en oeuvre des pratiques d’imputabilité plus appropriées, notamment en recueillant des données basées sur la race. 

Je sais, cet énoncé vous semble contradictoire… 

En fait, la collecte de données basées sur la race à  toutes les fois qu’un policier interpelle un citoyen est la meilleure façon de constater si le profilage racial est courant; si les préjugés d’un agent nuisent à  son travail. 

Les services policiers des villes de Kingston et d’Ottawa ont recueilli des données basées sur la race et le service de police de Kingston a rapporté que le processus a dévoilé les préjugés tant chez certains policiers que ceux des personnes faisant appel à  leurs services.

Ottawa publiera son rapport cette semaine. 

Bien que les résultats ne permettent pas de tirer des conclusions, la force constabulaire travaille à  élargir sa collecte d’information à  d’autres domaines en matière de services policiers. 

Les responsables de l’étude à  Ottawa affirment avoir constaté un dialogue plus ouvert et une plus grande confiance de la communauté. Ces deux éléments sont essentiels puisque personne ne devrait éprouver la peur de vivre dans sa communauté, simplement parce qu’ils sont différents.

Mon troisième exemple concerne les migrants en détention. 

Statistiques Canada a récemment dévoilé que le Canada reçoit un nombre record d’immigrants. Toutefois, toutes les personnes qui arrivent ici n’entrent pas dans un pays accueillant et ouvert. 

De récentes études de l’University of Toronto ont jeté la lumière sur la détention arbitraire des migrants. 

Des familles tout entières – hommes, femmes et enfants– sont détenues dans des installations destinées aux criminels. 

  • Plusieurs de ces personnes n’ont pas de dossier criminel.
  • Dans plusieurs cas, ils ne peuvent simplement pas prouver leur identité. 
  • Plusieurs souffrent de problèmes de santé mentale ou de traumatisme psychologique. 

Le plus tragique de la situation est que ces migrants sentent que leurs droits sont lésés par les autorités canadiennes, mais ils ne peuvent rien y faire. 

Certains soutiennent que la Loi canadienne des droits de la personne vous protège seulement si vous êtes légalement présent au Canada. Il s’agit d’un enjeu important qui doit être approfondi. 

Il semble injuste que la loi mise en place par le Parlement pour protéger les gens contre la discrimination ne s’applique pas à  certains groupes de personnes parmi les plus vulnérables au pays. 

Je crois fermement que le progrès est possible dans chacun de ces trois exemples. Mais nous devons raconter leurs histoires. 

Tant que les gens se tiendront à  distance des personnes maltraitées, nous n’atteindrons pas la lancée requise pour donner à  ces enjeux l’attention qu’ils méritent. 

Permettez-moi de conclure en rappelant mes mots d’espoir du début. 

Que nous pouvons changer les choses en étant témoins de nos histoires et en les partageant auprès des autres. 

Nous constatons que les droits de la personne et la justice sociale trouvent leur place dans nos conversations nationales, dans les plateformes des médias sociaux, dans nos foyers et nos écoles. 

Nous devons saisir la conjoncture favorable que nous voyons tout autour de nous pour nous assurer que nos expériences et nos histoires provoquent le changement au niveau individuel. 

Nous devons nourrir une compréhension plus profonde de nos différences et promouvoir des communautés où les membres se sentent véritablement liés les uns aux autres. 

  • Le travail d’organismes comme la Fondation canadienne des relations raciales est crucial. 
  • Les congrès comme celui-ci sont essentiels
  • Travailler ensemble est primordial.
  • Partager nos histoires est indispensable. 

Maintenant, plus que jamais, nous devons trouver des façons de créer cette connexion, entre les communautés et au sein de nos propres communautés.

Maintenant, plus que jamais, nous devons assurer que nos gestes reflètent nos paroles.

Travaillons ensemble. Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde, comme Gandhi l’a si bien dit. 

En nous tournant vers l’avenir, vous tous qui êtes ici, pouvez compter sur la Commission comme partenaire et collaborateur pour faire avancer le changement social dans la bonne direction. 

Je vous prie de nous considérer comme votre ami et votre allié. 

En terminant, je vous remercie de votre dévouement à  la cause des droits de la personne et pour la différence que vous faites dans la vie des autres.

Date modifiée :