Poursuivre la discussion : les droits des femmes et l’égalité des sexes au Canada

Notes d’allocution

Marie-Claude Landry

Présidente
Commission canadienne des droits de la personne

« Poursuivre la discussion : les droits des femmes et l’égalité des sexes au Canada » 

Discours principal
Célébration de la Journée internationale de la femme au 
Ottawa Chinese Community Service Centre

Mardi 8 mars 2016

Ottawa (Ontario)

Bonjour et merci pour le bel accueil.

Je m’appelle Marie-Claude Landry et, comme présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, j’ai l’immense privilège de travailler à  promouvoir les droits de la personne.

Je suis honorée et heureuse de célébrer la Journée internationale de la femme en votre compagnie.

Comme c’est merveilleux de voir un auditoire aussi diversifié... 

... Des femmes de toutes les générations, rendues à  différentes étapes de leur vie, provenant de différents endroits du monde. 

Aujourd’hui, nous nous joignons à  des gens de partout dans le monde pour reconnaître et célébrer les réalisations sociales, économiques, culturelles et politiques des femmes.  

Mais que voulons-nous dire par cela — célébrer les réalisations sociales, économiques, culturelles et politiques?

Je crois qu’il s’agit tout simplement de célébrer la force des femmes du monde entier.

Il s’agit de souligner le rôle important que nous jouons dans notre famille, dans notre communauté, dans notre pays et dans la société...

… En tant que grands-mères, mères, filles et soeurs,

… En tant que pionnières, leaders et bâtisseuses de la nation.

Cette journée vise à  reconnaître les réalisations des femmes et à  réitérer que notre place dans la société est égale à  celle des hommes.

Ici, au Canada, notre lutte pour l’égalité a fait progresser le pays.
Le mouvement pour les droits des femmes a dynamisé les valeurs de respect, de diversité et d’inclusion – des valeurs qui ont servi avec le temps à  définir le Canada. 

En 1921, la population canadienne a élu sa première députée. Quelques années plus tard, cinq femmes courageuses de l’Alberta, appelées les Célèbres cinq (Famous Five), ont consacré leur énergie pour que les femmes soient considérées comme des « personnes » aux termes de la Constitution.

Des « personnes »…

C’est arrivé en 1929.

Et comme tous les changements sociaux et toutes les actions militantes, le mouvement est né de simples conversations entre des femmes et des filles.

Le mouvement est né il y a des années dans les cuisines et les salons. 

Des conversations entre amies.

Des femmes qui se parlent et s’entraident. Qui s’apportent mutuellement soutien et encouragements en espérant des progrès. En espérant un avenir meilleur.

Les discussions ont pris de l’ampleur, au point de remplir des salles aussi grandes que celle-ci. 

Elles ont pris tellement d’ampleur que toute une génération de femmes se sont mises à  réclamer le droit d’être traitées comme des membres à  part entière de la société.

Certaines personnes pourraient dire que nous avons réussi à  obtenir l’égalité hommes-femmes. Après tout, des femmes occupent des postes de leadership partout dans le monde. La moitié de nos ministres fédéraux sont des femmes.

Nous avons réussi! Après tout, nous sommes en 2016!

Mais en réalité, voici ce qu’il en est : les discussions doivent se poursuivre.

Il nous reste encore beaucoup de questions à  régler avant de pouvoir dire que les hommes et les femmes sont véritablement égaux et qu’ils ont accès à  des chances égales d’épanouissement au Canada. 

Alors je suis ici aujourd’hui pour encourager chacune d’entre vous à  poursuivre ces conversations enrichissantes. 

Ces discussions importantes qu’il faut poursuivre pour que l’égalité devienne un automatisme…  

… dans nos communautés,

… dans nos milieux de travail,

… dans nos familles et nos écoles.
 
Avant de poursuivre, j’aimerais vous dire quelques mots sur l’organisme que je dirige. 

La Commission canadienne des droits de la personne est l’organisme de surveillance du respect des droits de la personne au Canada. 

Nous agissons sans interférence du gouvernement.

Nous sommes le porte-parole national dans le domaine des droits de la personne et nous dénonçons tout ce qui peut menacer ces droits. 

Nous sommes là pour défendre les droits des gens qui ont de la difficulté à  se faire entendre — les plus vulnérables de notre pays. Parce que, en vérité, il existe encore au Canada de nombreux enjeux pressants en matière de droits de la personne.

Bien des gens au Canada luttent encore pour faire valoir leur droit à  l’égalité dans leur quotidien.

Des personnes ayant une déficience subissent encore de la discrimination et des préjugés.

Au Canada, des personnes transgenres subissent souvent de l’hostilité et de la violence en essayant d’obtenir des services essentiels.  

Des communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuites sont encore durement touchées par des décennies de négligence et d’inégalité dans la prestation des services de base. 

Les femmes et les filles autochtones font face à  des taux de violence disproportionnés et ont énormément de difficulté à  utiliser le système de justice. 

Aussi, des personnes immigrantes ou réfugiées doivent encore surmonter un lot de difficultés quand elles essaient de refaire leur vie et cherchent à  apporter leur contribution à  la société canadienne.

À titre d’institution nationale des droits de la personne, nous dénonçons tous ces enjeux parce que nous voulons donner une voix à  toutes les personnes en situation de vulnérabilité. 

Les femmes portent encore le fardeau dans bon nombre de ces enjeux complexes.

Pour des femmes de couleur, des femmes ayant une déficience et des femmes pratiquant différentes religions, la route est encore plus difficile parce qu’elles risquent de subir de la discrimination sur plusieurs fronts. 

C’est pourquoi, pour chaque femme et chaque fille vivant au Canada, nous devons poursuivre ces conversations à  propos des droits de la personne et de la promotion de l’égalité des sexes.

L’année dernière, j’ai parcouru le pays une province et un territoire à  la fois — d’un océan à  l’autre. Tout un privilège d’être invitée à  participer à  ces discussions, surtout qu’elles étaient nombreuses à  porter sur les barrières que les femmes rencontrent encore de nos jours.  

Des barrières à  l’égalité.

Des barrières au système de justice.

Des barrières à  l’emploi.

Je suis venue vous dire que, même si nous sommes en 2016, il reste encore beaucoup de travail à  faire. Et nous ne pouvons pas le faire seules.

L’égalité réelle entre les sexes au Canada ne se concrétisera que si tout le monde participe à  la discussion.  

Voilà pourquoi il faut poursuivre la conversation sur l’égalité des sexes dans chacune de nos communautés.  

Il faut bien se l’avouer : les femmes subissent encore de la discrimination même dans notre voisinage. 

Bien souvent, les femmes en situation de vulnérabilité n’ont pas les moyens ou le soutien pour faire valoir leurs droits. 

Par exemple, une mère célibataire peut subir les avances importunes de son patron sans se plaindre parce qu’elle a peur de perdre son emploi.  

Une femme croyante qui se voile le visage pourrait s’isoler de sa communauté de peur d’être jugée ou harcelée. 

Personne ne devrait avoir à  défendre seul son droit à  l’égalité.

John F. Kennedy a dit qu’en donnant aux autres des droits qui leur appartiennent, nous nous donnons des droits à  nous-mêmes. Même quand la situation d’une autre personne ne semble pas nous concerner, en fait, c’est tout le contraire. 

La force et la santé d’une communauté sont liées au bien-être de chacun des membres de cette communauté. 

On peut dire la même chose à  propos de à  nos milieux de travail.

Il faut poursuivre les conversations dans nos milieux de travail.

Plus que jamais, les femmes sont des membres précieux et essentiels de la main-d’oeuvre canadienne. 

Nous sommes médecins et avocates. 

Réceptionnistes et femmes de ménage.

Serveuses et enseignantes. 

Scientifiques et militaires. 

Cela dit, nous devons modifier la culture organisationnelle dans nos milieux de travail pour nous ajuster à  la nouvelle réalité du monde dans lequel nous vivons. 

L’enjeu de la conciliation travail-vie personnelle n’a jamais été aussi important. 

Même si de nombreuses personnes considèrent comme acquise l’égalité des sexes, les femmes sont encore celles qui s’occupent le plus du bien-être de leurs proches dans la plupart des familles.

Les femmes ont donc de grandes difficultés à  surmonter lorsqu’elles doivent concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales. 

Et je sais très bien ce que cela signifie — comme employeuse, comme fille, comme mère et comme grand-mère aussi. 

Heureusement, on parle de ce sujet dans des milieux de travail parmi les plus influents au pays.

Notre premier ministre a clairement exprimé qu’il s’agissait d’un enjeu important pour lui. 

L’honorable Catherine McKenna, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, a dit qu’elle éteignait son téléphone à  17 h 30 chaque soir, en partant du bureau, pour se consacrer à  sa famille.

Un geste tout simple... qui a pourtant fait les manchettes!

Si on réussit à  attirer l’attention sur ces luttes quotidiennes — qu’il soit question de temps, d’argent et de respect au travail —, on peut espérer qu’il sera un jour plus facile pour tout le monde de concilier ses responsabilités professionnelles avec ses obligations personnelles.

De cette façon, nous alimenterons la discussion sur la conciliation travail-vie personnelle susceptible de générer un changement de culture...

... Un changement de culture qui poussera plus de femmes à  des postes décisionnels, de manière à  rendre les milieux de travail plus inclusifs.

Selon des études, lorsqu’un milieu de travail est plus inclusif et permet au personnel d’avoir certains choix, comme des conditions de travail souples, tout le monde y gagne. 

Faire preuve de souplesse signifie travailler différemment, et non travailler moins. Il est tout simplement rentable de veiller à  ce que les femmes se sentent soutenues lorsqu’elles doivent remplir des obligations familiales.

C’est mieux pour la productivité...

… pour l’employeur...

… pour l’économie...

… pour la société…

… pour nos enfants.

J’en arrive à  mon dernier commentaire.

Nous devons poursuivre cette conversation avec nos enfants, à  la maison comme à  l’école. 

En réfléchissant à  ce sujet, j’ai repensé à  une phrase de Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde. »

Je crois que les jeunes garçons et les jeunes filles reçoivent des messages contradictoires.

D’un côté, nous leur disons que les hommes et les femmes sont égaux.

Ils apprennent à  l’école que les femmes ont obtenu des droits au Canada. C’est écrit dans leurs manuels d’histoire.

De l’autre côté, ils entendent dans les bulletins de nouvelles que des filles doivent se battre pour aller à  l’école dans des pays qui leur semblent bien loin.

Des vidéos, des chansons et des magazines continuent d’influencer, souvent négativement, la perception que les filles ont d’elles-mêmes ou de leur place dans la société. 

Maintenant plus que jamais, l’inclusion, l’égalité et le respect sont des valeurs qui doivent nous servir de guide dans toutes les facettes de notre vie quotidienne.

Nous devons en parler avec nos enfants. Nous devons encourager ces valeurs de droits de la personne chez nous et dans nos écoles pour que nos enfants les intègrent graduellement dans leur vie en grandissant. 

Nous devons leur apprendre comment faire, pour que cette génération de jeunes, une fois adultes, puisse terminer ce que la génération précédente a commencé.

Comme je l’ai dit, la Journée internationale de la femme est l’occasion de célébrer nos réalisations en tant que femmes. 

Nous avons fait beaucoup de chemin en très peu de temps.

Même s’il reste du travail à  faire, le mouvement prend de l’ampleur.

La conversation sur l’égalité des sexes qui a commencé dans des cuisines et des salons…

… a pris une envergure nationale.

Je trouve encourageant que le nouveau gouvernement accorde une grande importance à  l’égalité entre les sexes et à  la conciliation travail-vie personnelle dès ses premiers mois au pouvoir.

Et qu’il soit déterminé à  défendre bon nombre des valeurs qui sont chères à  la population canadienne.

Le Canada est aujourd’hui confronté à  des enjeux de droits de la personne dont bon nombre parmi les plus urgents ont gagné le statut de priorités absolues.

Mais cela ne veut pas dire que notre travail est terminé.

Ces conversations et discussions doivent se poursuivre parce que les droits de la personne ne sont pas figés dans le temps. Même s’ils sont universels, ils demeurent nouveaux et fragiles. Ils n’ont pas fini d’évoluer.

Il est donc temps de parler ouvertement et sans détour. De travailler ensemble dans un esprit de respect mutuel et de dignité pour tous.

Il est temps de veiller à  ce que chaque voix soit entendue.

Il est temps d’apprendre tout cela à  nos enfants pour que les droits de la personne, et l’égalité des sexes, soient intégrés à  leur façon d’être et de vivre.

Nous pouvons nous épanouir davantage grâce aux efforts des femmes qui nous ont précédées. 

Si nous voulons faire honneur à  ce qu’elles nous ont laissé et à  l’avenir de nos filles, nous devons poursuivre la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes dans nos collectivités, nos milieux de travail, nos écoles et nos foyers.

Merci.

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