Guide sur la conciliation des responsabilités professionnelles et des obligations familiales des proches aidants

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Milieu de travail

La législation sur les droits de la personne interdit toute forme de discrimination fondée sur le motif de la situation de famille. Autrement dit, si un employé ou une employée doit s’occuper d’un membre de sa famille, les employeurs sont obligés, selon la loi, de lui accorder des mesures d'adaptation. Le présent guide fournit des conseils sur la manière de mettre au point des solutions d’adaptation respectant la législation sur les droits de la personne. Il précise les droits et les responsabilités de l’employé ou de l'employée, de l’employeur et des personnes qui représentent soit le syndicat, soit les employés.

Introduction

Qu'il soit question d'aller chercher un enfant à l'école plus tôt parce qu'il est malade, d'accompagner votre grand‐mère chez le médecin ou de prendre soin d'un proche ayant une déficience, voilà des aléas de la vie familiale. La majorité des gens parviennent à concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales. Pour les autres, la nature même des soins à donner à leurs proches rend la situation compliquée.

La législation sur les droits de la personne interdit toute forme de discrimination fondée sur le motif de la situation de famille. Les tribunaux ont déterminé que les protections prévues pour la situation de famille s'étendent aux obligations familiales d'une personne qui agit comme proche aidant. Autrement dit, si un employé ou une employée doit s'occuper d'un membre de sa famille, les employeurs sont obligés, selon la loi, de lui accorder des mesures d'adaptation. La meilleure façon d'y arriver est de prévoir des modalités de travail flexibles qui permettent à cette personne de s'occuper de son proche tout en faisant son travail.

Pour obtenir des mesures d'adaptation, un employé ou une employée doit confirmer avoir épuisé les solutions de rechange acceptables pour que son proche reçoive les soins en question. Cette personne doit aussi montrer que ces soins représentent une obligation – il faut davantage qu'un choix personnel. Par exemple, si un employé ou une employée voulait quitter le travail pour assister à la partie de soccer de son enfant, il s'agirait d'un choix personnel. Par contre, le fait de quitter le travail pour amener un enfant blessé à l'hôpital quand aucun autre proche aidant n'est disponible serait considéré comme une obligation.

Il n'est pas nécessaire que les mesures d'adaptation soient parfaites. Cependant, l'employé ou l'employée, l'employeur et la personne qui représente soit le syndicat soit les employés doivent collaborer pour trouver des solutions acceptables et pratiques.

Le présent guide fournit des conseils sur la manière de mettre au point des solutions d'adaptation respectant la législation sur les droits de la personne. Il précise les droits et les responsabilités de l'employé ou de l'employée, de l'employeur et des personnes qui représentent soit le syndicat soit les employés. Il explique aux gestionnaires la marche à suivre pour tenir compte des besoins d'un employé ou d'une employée qui doit prendre soin d'un membre de sa famille. Il fournit donc des renseignements sur la manière de discuter de la situation avec cette personne, de trouver des solutions et de veiller à ce que ces solutions soient efficaces.

Bien souvent, il faut prendre des mesures d'adaptation en fonction des besoins des gens au cas par cas, mais les organisations devraient faire en sorte que l'adaptation fasse partie intégrante de leurs activités.

Définitions de « famille »

Le terme « famille » a un sens large et extensif. Il inclut les membres de la famille qui ne vivent pas sous le même toit, et des personnes liées par le sang ou par la loi, y compris les relations de fait. Il comprend les liens entre parents et enfants (y compris les enfants adoptifs et les enfants en famille d'accueil), entre conjoints (unis par le mariage ou en union de fait), entre frères et sœurs, et avec les beaux‐parents, les oncles et tantes, les neveux et nièces, les cousins et cousines, les grands‐parents et les petits‐enfants.

La famille peut aussi comprendre les relations avec des personnes qui ne sont pas liées par le sang ou par la loi. Il peut s'agir d'une « famille par choix », lorsqu'une personne agit comme proche aidant auprès d'une personne non apparentée aussi bien que si elle faisait partie de sa famille nucléaire, en raison d'une amitié profonde ou de leur appartenance à une communauté soudée. Ce type de relations peut être particulièrement important pour les Autochtones ou les membres de la communauté des gais, lesbiennes, bisexuels ou transgenres.

Proche aidant

Un proche aidant est une personne qui s'occupe d'un jeune enfant, aide quelqu'un ayant une déficience, intervient lors d'un accident ou d'une maladie grave ou veille à combler les besoins d'une personne en fin de vie, par exemple.

À un moment ou à un autre de leur vie, des millions de Canadiennes et de Canadiens auront pris soin d'un membre de leur famille ou d'un ami qui a des besoins particuliers en raison d'une longue maladie, d'une déficience ou de la vieillesse. Bon nombre le feront tout en élevant leurs enfants. Quand ils ont un emploi, la plupart des proches aidants travaillent à plein temps. En raison du vieillissement de la population du Canada, on peut prévoir une augmentation du nombre de personnes qui devront s'occuper d'un membre de leur famille.

La question des proches aidants en est une d'égalité des sexes. Encore aujourd'hui, les femmes prennent davantage soin de leurs proches que les hommes, sont plus nombreuses à travailler à temps partiel et s'absentent plus de leur travail à plein temps pour s'occuper d'un proche. Ces contraintes nuisent à leur participation pleine et égale à la population active. Les hommes peuvent aussi être défavorisés au travail si leur rôle de proche aidant n'est pas reconnu et facilité.

La difficulté de concilier les responsabilités professionnelles et les obligations familiales peut varier en fonction d'autres facteurs, comme l'état matrimonial, l'orientation sexuelle, la race, l'âge ou la déficience. Par exemple, les parents célibataires, divorcés ou séparés peuvent devoir composer avec des horaires compliqués ou impossibles à modifier quand ils ont la garde partagée ou conjointe des enfants. 

La Loi canadienne sur les droits de la personne

La Loi canadienne sur les droits de la personne protège contre la discrimination les personnes au Canada qui sont employées par le gouvernement fédéral, les gouvernements des Premières Nations ou les entreprises privées régies par le gouvernement fédéral, comme les banques, les entreprises de camionnage, les télédiffuseurs et les sociétés de télécommunications, et les personnes qui reçoivent des services de l'une ou l'autre de ces organisations.

Les personnes peuvent utiliser la Loi canadienne sur les droits de la personne pour se protéger contre le harcèlement ou la discrimination lorsque les gestes sont posés en raison d'un ou plusieurs des 11 motifs de discrimination, comme la race, l'âge, l'orientation sexuelle ou la situation de famille.

Les tribunaux ont établi que les soins à donner à un membre de la famille sont compris dans le motif « situation de famille » protégé par la Loi. Autrement dit, les personnes qui doivent prendre soin de membres de leur famille ont aussi le droit d'être membres à part entière de la population active. Les employeurs sont obligés d'éliminer les obstacles qui entraveraient ce droit.

Obligation d'adaptation

Les employeurs ont l'obligation de prendre des mesures pour adapter leurs règles, politiques ou pratiques qui ont répercussions négatives sur les personnes ou les groupes de personnes en raison des motifs de discrimination interdits par la loi. On parle alors d'« obligation d'adaptation ».

L'obligation d'adaptation signifie qu'il est parfois nécessaire de traiter quelqu'un différemment pour empêcher ou réduire la discrimination. Par exemple, si on demande à tous les candidats à un poste de réussir un examen écrit, cette exigence pourrait être injuste pour une personne ayant une déficience visuelle. Dans un cas comme celui‐là, l'obligation d'adaptation peut vouloir dire qu'il faudra prendre d'autres dispositions pour permettre à une personne ou à un groupe de participer pleinement.

Un employeur est obligé de prendre des mesures d'adaptation quand une personne a des besoins fondés sur l'un des motifs de discrimination inscrits dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

En ce qui concerne les proches aidants, l'obligation d'adaptation peut s'appliquer quand les obligations familiales d'un employé ou d'une employée, auxquelles s'ajoutent les règles et les politiques en vigueur de l'employeur, rendent cette personne incapable de faire tout ce que l'employeur attend de lui ou d'elle.

Contrainte excessive

Il y a certaines limites à l'obligation d'adaptation. Dans certains cas, l'adaptation n'est pas possible, car elle occasionnerait une « contrainte excessive » pour l'organisation.

En vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, un employeur peut invoquer la contrainte excessive lorsque le fait d'adapter une politique, une pratique, un règlement administratif ou un lieu physique serait trop coûteux ou créerait des risques pour la santé ou la sécurité. Il n'existe pas de définition juridique précise de la contrainte excessive ni de formule normalisée pour la déterminer. Chaque situation doit être considérée comme unique et évaluée au cas par cas. Il ne suffit pas d'invoquer une contrainte excessive à partir d'une supposition ou d'une opinion ni à partir d'une simple déclaration qu'il y aura un coût à assumer. Pour prouver la contrainte excessive, l'employeur doit justifier le genre de contrainte il subirait et à quel point elle serait excessive.

L'adaptation aux besoins du proche aidant – à chacun de jouer son rôle

Quand un employé ou une employée entreprend de parler avec son employeur de sa situation difficile de proche aidant, tous les intervenants concernés – l'employé ou l'employée, l'employeur et la personne qui représente soit le syndicat soit les employés – doivent aborder la question de manière respectueuse et collaborative, au bon moment. Chacun détient une part de la responsabilité de trouver des solutions.

L'employé ou l'employée doit : 

  • faire connaître, clairement et au bon moment, son besoin de mesures d'adaptation; 
  • montrer qu'il s'agit d'une véritable obligation familiale (un choix personnel n'est pas suffisant pour justifier une mesure d'adaptation); 
  • indiquer ce qui a été fait pour évaluer des solutions de rechange réalistes et les possibilités d'obtenir de l'aide, que ce soit auprès des autres membres de la famille, du cercle d'amis, des programmes sociaux, des programmes de soins de santé et d'organismes de soutien communautaire; 
  • montrer une ouverture à discuter, à envisager différentes solutions et à accepter des compromis acceptables au travail qui tiennent compte de ses besoins, même si ces compromis ne représentent pas sa solution préférée; 
  • se bâtir un réseau de soutien faisant appel à diverses possibilités d'obtenir de l'aide, faire une gestion efficace du temps et prévoir d'avance des solutions pour les imprévus; 
  • conserver une ouverture à des ajustements à la solution déjà acceptée lorsque la situation évolue.

L'employeur doit : 

  • proposer des solutions acceptables et respectueuses pour tenir compte des besoins de l'employé ou de l'employée, mais sans qu'il y ait de contrainte excessive; 
  • éliminer les obstacles discriminatoires susceptibles d'empêcher l'employé ou l'employée de faire son travail; 
  • rester ouvert à des ajustements à la solution déjà acceptée lorsque la situation évolue.

La personne qui représente soit le syndicat soit les employés doit : 

  • accepter que l'on fasse des entorses aux règles syndicales et aux clauses de la convention collective lorsqu'elles peuvent causer de la discrimination.

Trois étapes pour s'adapter quand un employé ou une employée a des obligations familiales

Première étape : En parler

Pour trouver une solution flexible permettant à un employé ou une employée de concilier ses besoins de proche aidant avec ses responsabilités professionnelles, il faut tout d'abord une discussion franche et honnête. C'est la meilleure façon pour le gestionnaire de recueillir les renseignements dont il a besoin pour savoir ce qui peut être fait pour s'adapter aux besoins de cet employé ou de cette employée.

Le gestionnaire devrait aborder cette discussion avec confiance, respect et compassion, puisque l'employé ou l'employée pourrait ressentir de la pression, de la culpabilité ou de l'anxiété. L'employé ou l'employée peut également s'inquiéter pour ses proches.

Il faut aussi donner la priorité au respect de la vie privée de l'employé ou de l'employée. Dans certains cas, le gestionnaire peut être obligé de demander à cette personne de révéler des détails confidentiels sur sa famille. Par contre, il devrait se limiter à poser des questions qui ont un lien direct avec la situation et éviter de demander des « preuves » du lien familial ou de la maladie de la personne qui a besoin de soins, à moins qu'il n'ait une bonne raison, comme un doute raisonnable qu'un acte répréhensible serait commis.

L'employé ou l'employée devrait se préparer à donner des réponses aussi franches et honnêtes que possible. En cas de réticence à fournir des détails, l'employé ou l'employée devrait se préparer à en donner les raisons.

Il n'existe pas de solution unique applicable à toutes les situations. La demande de l'employé ou de l'employée et les circonstances particulières doivent être analysées au cas par cas. Le gestionnaire doit fournir à l'avance, à l'employé ou à l'employée, la liste des questions qui seront posées pour lui donner du temps pour se préparer. Dès le départ, l'employé ou l'employée doit se préparer à discuter des points suivants :

  • son lien avec la personne ayant besoin de soins;
  • les détails sur les soins dont cette personne a besoin (p. ex., quels soins, pourquoi, à quelle la fréquence, à quel moment);
  • la durée prévue des soins en question (p. ex., court terme, long terme, durée indéfinie);
  • les raisons pour lesquelles l'employé ou l'employée est la personne qui doit donner les soins nécessaires;
  • la raison pour laquelle la situation constitue une obligation et non un choix personnel;
  • les solutions de rechange réalistes qui existent (p. ex., amis, membres de la famille, garderie, soins à domicile, services communautaires);
  • les efforts faits pour concilier les responsabilités professionnelles et les obligations familiales du proche aidant;
  • les raisons pour lesquelles ces efforts n'ont rien donné;
  • le genre de mesures d'adaptation que l'employé ou l'employée doit demander à l'employeur.

Deuxième étape : Utiliser sa créativité. Être souple.

Une fois que le gestionnaire constate que l'employé ou l'employée a besoin de mesures d'adaptation, tous les intervenants concernés (l'employé ou l'employée, l'employeur et toute autre partie, comme la personne qui représente soit le syndicat soit les employés) devraient collaborer pour trouver des solutions acceptables et pratiques.

Les mesures d'adaptation retenues ne représentent pas toujours la solution idéale ou la solution que l'employé ou l'employée aurait choisie. Toutefois, les proches aidants ont le droit d'obtenir une solution équitable qui leur permet de conserver leur emploi et de continuer à faire leur travail. 

La situation d'un proche aidant peut changer avec le temps. Un plan d'adaptation qui respecte les obligations actuelles tout en étant assez souple pour s'ajuster en fonction des changements à venir constitue le meilleur moyen de permettre à l'employé de continuer à bien faire son travail et d'assumer ses obligations familiales.

Dans un milieu de travail syndiqué où les mesures d'adaptation pourraient aller à l'encontre de la convention collective ou des règles ou pratiques syndicales, les personnes qui représentent soit le syndicat soit les employés doivent participer aux discussions.

Même si le gestionnaire devrait tenir compte des préférences de l'employé ou de l'employée, il peut choisir d'appliquer une solution moins coûteuse ou plus simple qui demeure une façon acceptable de répondre aux besoins de l'employé ou de l'employée. Le gestionnaire devrait lui expliquer clairement sa décision.

Dans bien des cas, les mesures d'adaptation représentent des moyens de permettre à l'employé de faire son travail différemment. Voici des exemples de modalités de travail flexibles :

  • début et fin de quart différents ou variables 
  • horaire comprimé 
  • télétravail 
  • prolongation du congé de maternité ou du congé parental 
  • congés pour raisons familiales, congés discrétionnaires ou autres congés à utiliser pour prendre soin d'un membre de la famille en cas de maladie 
  • congés à utiliser pour prendre soin d'un enfant ou d'une personne âgée en cas d'urgence ou d'imprévu 
  • changement de quart 
  • partage d'emploi 
  • travail à temps partiel avec avantages sociaux proportionnels 
  • fonctions ou tâches déléguées ou partagées

Bien entendu, la capacité d'un gestionnaire d'offrir des modalités flexibles variera en fonction du type de secteur d'activité, de la nature des postes concernés et des fonctions de chaque poste. Il faut aussi prendre en compte la disponibilité de la technologie, les coûts connexes et d'autres enjeux, comme les conflits d'horaire.

Troisième étape : Faire un suivi et apporter les modifications nécessaires

Après la mise en œuvre des mesures d'adaptation, le gestionnaire et l'employé ou l'employée devraient maintenir une communication franche et discuter de tout changement, problème ou sujet de préoccupation à mesure qu'il se présente.

Il est utile de planifier des rencontres de suivi. Cette planification devrait se faire au moment où le gestionnaire et le proche aidant arrivent à s'entendre sur les mesures à prendre. Tous les deux devraient comprendre le but visé par les rencontres de suivi et ce que les deux parties en attendent. Cette mise au point peut aider l'employé ou l'employée et le gestionnaire à se préparer aux rencontres et à rassembler leurs commentaires ou leur documentation. 

Un calendrier de rencontres de suivi peut comprendre :

  • une rencontre de vérification ordinaire peu après la mise en œuvre des mesures d'adaptation;
  • une deuxième rencontre de suivi prévue à la fin de la première moitié de la période prévue pour l'application des mesures d'adaptation (ou périodiquement, dans le cas de mesures d'adaptation permanentes);
  • une rencontre de suivi juste avant la fin de la période prévue pour l'application des mesures d'adaptation;
  • un engagement à faire connaître tout changement à la situation de famille susceptible d'influer sur la nécessité d'appliquer des mesures d'adaptation ou sur la capacité de les accorder.

Le gestionnaire devrait revoir périodiquement les mesures d'adaptation avec l'employé et la personne qui représente soit le syndicat soit les employés pour confirmer qu'elles demeurent efficaces et nécessaires. Les mesures d'adaptation devraient être modifiées au besoin.