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ARCHIVÉ - Mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne - Mariages entre conjoints de même sexe

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Archivé

Quel a été le rôle de la Commission au cours du débat sur le mariage entre conjoints de même sexe? Quelle est l'origine de la protection du mariage entre conjoints de même sexe par la Loi canadienne sur les droits de la personne? Ce mémoire analyse la question du mariage civil entre conjoints de même sexe à la lumière des droits de la personne. Plus particulièrement, il examine les interdictions de discrimination fondée sur les motifs de l'orientation sexuelle et de liberté religieuse.

Table des matières

Introduction

Le gouvernement a demandé au Comité permanent d’examiner la question de savoir si, « [é]tant donné notre contexte constitutionnel et le sens traditionnel du mariage, le Parlement devrait [...] prendre des mesures pour reconnaître les unions de conjoints de même sexe, et, si oui, que devraient-elles être? ».

La Commission canadienne des droits de la personne reconnaît que la question des mariages entre conjoints de même sexe est controversée. Il s’agit d’une question qui interpelle profondément les valeurs et croyances fondamentales des Canadiens, où toutes les opinions culturelles, politiques, morales et religieuses sont représentées. Les vues tant des partisans que des opposants sont profondément ancrées et s’inspirent de traditions et d’événements historiques très anciens au sein de la société.

Deux repères s’offrent à l’examen du Comité permanent en vue de l’étude de cette question, soit la notion traditionnelle du mariage et le cadre constitutionnel canadien. Vu l’importance pour le Comité de ces questions de fond, voici quelques brèves réflexions que nous soumettons à  son examen.

La notion traditionnelle du mariage est fondée sur de nombreuses dimensions, qui relèvent tant du domaine de la religion que des pratiques sociétales et des obligations contractuelles.

[Traduction] Dans la tradition occidentale, si toutes ces dimensions étaient complémentaires, elles n’en étaient pas moins traversées de vives forces centrifuges, étant donné toutes ces revendications formulées au nom de l’une ou l’autre entité ” le couple, l’église, l’état, la loi naturelle, et Dieu ” quant à celle qui détiendrait l’autorité suprême sur la forme et sur la fonction du mariage.

Le mariage civil est apparu il y a plusieurs siècles à  la suite de la séparation de l’église et de l’état. Même si le mariage est à l’origine, pour une grande part, une institution d’ordre religieux, l’institution a évolué de façon à inclure le mariage civil jusqu’à ce qu’on ne puisse plus dissocier les deux traditions. Il s’ensuit que de nos jours les deux types de mariage sont reconnus légalement par l’état et que le terme mariage recouvre les deux notions. Les mariages religieux comportent une dimension d’ordre public, car les autorités religieuses collaborent avec les responsables des registres de mariage et font office d’agents de l’ordre public au moment de présider à  ces rites religieux. Les deux types d’unions ” mariage civil et mariage religieux ” jouissent dans l’ensemble du même statut social, du même poids et du même degré d’acceptation au sein de la société.

La portée de l’étude de la question soumise à  l’examen de ce Comité, celle des mariages entre conjoints de même sexe, tend à élargir plus que certains le souhaiteraient l’acception donnée au mariage civil. Pour les uns, une modification législative ayant pour effet de valider l’élargissement de la notion de mariage dans la sphère publique serait nécessairement accompagnée de son corollaire dans l’institution religieuse. Pour d’autres institutions religieuses ” quoi qu’en nombre restreint ”, la célébration religieuse des unions de même sexe s’appuierait sur un solide fondement théologique et moral.

Le défi qui se pose au pouvoir législatif est de prendre acte des vues bien ancrées de ces groupes et personnes tout en se conformant aux impératifs constitutionnels d’un état démocratique laïque qui a choisi de respecter les prescriptions de la Charte canadienne des droits et libertés. La diversité culturelle et religieuse sont des traits distinctifs de la mosaïque canadienne. En ce sens, la tâche primordiale de ce Comité est de se pencher sur cette question en veillant à préserver ces valeurs fondamentales que sont pour les Canadiens le respect des droits de la personne ainsi que le respect de la dignité et de la diversité.

Le rôle de la Commission canadienne des droits de la personne dans ce débat est clair. Loin de nous la prétention de nous qualifier d’experts en théologie ou de spécialistes des fondements historiques du mariage. Par contre, les questions liées à  la discrimination n’ont pas de secret pour nous. Notre loi habilitante interdit notamment la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et sur les croyances religieuses. Note rôle dans ce débat et notre apport aux délibérations de ce comité consistent à  analyser la question de la légalisation des mariages entre conjoints de même sexe sous l’angle des droits de la personne. Notre tâche consiste à  défendre les principes et valeurs qui sont à  la base même de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Pour la Commission canadienne des droits de la personne, cette question a trait à  l’égalité et à  la protection de l’ensemble des droits de la personne.

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Le droit à  l’égalité de traitement

Lorsqu’il a adopté la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte, le législateur a reconnu que les Canadiens croient que tous ont droit à  l’égalité de traitement en vertu de la loi. En 1982, le législateur canadien a décidé d’adopter la Charte et d’assujettir les lois qu’il adopte à  l’examen des tribunaux. En 1995, la Cour suprême a statué que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle était interdite par la Charte. La Loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée un an plus tard afin d’inclure de façon expresse l’orientation sexuelle comme un type de discrimination. Cette inclusion de l’orientation sexuelle dans la Loi provenait d’une déclaration expresse du législateur selon laquelle les gais et les lesbiennes au Canada ont « le droit de tous les individus [...] à  l’égalité des chances d’épanouissement et à  la prise de mesures visant à  la satisfaction de leurs besoins ».

L’une des questions clés que le Comité s’est posées lors de ses délibérations était de savoir si le fait d’interdire aux couples composés de conjoints de même sexe de se marier équivaut à  de la discrimination. Le législateur a affirmé que la discrimination contre les gais et les lesbiennes est interdite, mais il n’a jamais légiféré ni organisé un débat public exhaustif sur la question particulière du mariage.

La décision par les autorités de ne pas délivrer une licence de mariage aux couples composés de conjoints de même sexe s’appuie sur la définition du mariage donnée en 1886 par un tribunal anglais, selon laquelle le mariage est l’union « d’un homme et d’une femme à  l’exclusion de tout autre ». Cependant, les normes et les lois en matière de droits de la personne ont changé de façon considérable depuis l’Angleterre du XIXe siècle et le temps est venu de mettre à  jour le droit au mariage civil conformément à  la législation canadienne en matière de droits de la personne qui interdit de façon explicite la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Discrimination

En vertu du régime canadien des droits de la personne, lorsqu’un décideur est saisi d’une demande concernant l’égalité de traitement, il veut d’abord savoir si la pratique en cause établit une distinction négative fondée sur un motif de discrimination illicite. En d’autres termes, la loi ou la pratique établit-elle une distinction sur le fondement de caractéristiques personnelles, nie-t-elle la dignité ou omet-elle de tenir compte de la position désavantagée de l’auteur de la demande au sein de la société canadienne?

Il est évident que le refus de délivrer une licence de mariage aux couples composés de conjoints de même sexe se fonde sur un motif de caractéristique personnelle. La Commission canadienne des droits de la personne a reçu cette année quelque 50 plaintes de discrimination fondées sur l’orientation sexuelle. À la suite de l’examen de l’une d’entre elles, le Tribunal canadien des droits de la personne a fermé un site Web contenant des « commentaires représent[a]nt de la malice extrême, de la détestation, de l’inimitié et du mépris envers les homosexuels ». Deux autres plaintes de discrimination faisaient état du refus d’accorder un congé de mariage. Je cite ces exemples afin de montrer au Comité que les gais et les lesbiennes au Canada continuent d’être désavantagés et font toujours l’objet de discrimination, et ce en dépit des lois adoptées en vue de prévenir ces situations.

Dignité

Il est également évident que la définition du mariage civil retenue par l’état et qui est axée exclusivement sur les hétérosexuels porte atteinte à la dignité des gais et des lesbiennes au Canada. La Cour suprême du Canada a affirmé que le mariage est une « institution fondamentale de la société » et une « institution fondamentale sociale ». De nos jours les gais et les lesbiennes sont protégés par la loi contre la discrimination au Canada et ont droit à la plupart des avantages dont jouissent les hétérosexuels, mais il y a encore des obstacles. Ils n’ont pas accès au mariage civil.

Ainsi que la Cour suprême l’a statué dans l’arrêt M. c. H., « [l’]exclusion des partenaires de même sexe du bénéfice [de la loi régissant l’entretien du conjoint] conduit à  penser que [...] les personnes formant des unions avec une personne de même sexe, sont moins dignes de reconnaissance et de protection [...] une telle exclusion perpétue les désavantages que subissent les personnes formant une union avec une personne du même sexe et contribue à  les rendre invisibles ». De même, comme l’a affirmé la Cour divisionnaire de l’Ontario, la restriction concernant les mariages entre conjoints de même sexe est une atteinte à  la dignité des lesbiennes et des gais parce qu’elle limite leurs options quant aux relations qu’ils peuvent choisir. On leur refuse donc l’autonomie de décider s’ils veulent se marier, ce qui transmet le message inquiétant qu’ils ne sont pas dignes du mariage.

Choix

Le Canada est un pays où les citoyens ont le droit de choisir leur religion, les personnes avec lesquelles ils peuvent s’associer ou l’endroit où ils vivront. Les couples composés de conjoints de sexe opposé peuvent se marier. Les couples de conjoints de même sexe ne le peuvent pas. Comme l’a affirmé récemment la Cour suprême dans Walsh, l’institution du mariage civil est fondamentalement une institution fondée sur le choix. La Cour a souligné que de nombreuses personnes ne se marient pas précisément parce qu’elles ont choisi d’éviter l’institution du mariage et les conséquences juridiques qui en découlent. Si l’on refuse ce choix aux conjoints de même sexe, on leur refuse dans ce cas la possibilité de vivre selon le même type de régime juridique qui est offert aux couples de conjoints de sexe opposé. On leur refuse l’accès aux règles juridiques régissant le partage des biens lors de la dissolution de la relation ou du décès de l’un des conjoints. Le couple formé de conjoints de sexe opposé a le choix d’accepter ou de refuser ces droits juridiques en se mariant ou en demeurant célibataire. Ce choix est refusé aux couples formés de conjoints de même sexe.

Pour ces couples qui désirent se marier, sans égalité d’accès à l’institution du mariage civil, leur capacité de célébrer leur engagement, de jouir du type de stabilité que le mariage civil peut offrir et de vivre leur vie dans l’égalité est ébranlée. Au regard tant de la législation que de la pratique et de la politique relatives aux droits de la personne, on refuse aux homosexuels un choix personnel fondamental en raison de leur orientation sexuelle. Pour la Commission, cela constitue de la discrimination.

Absence de motif justifiable visant l’interdiction des mariages entre conjoints de même sexe

En vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, dès qu’est établi, prima facie, le bien-fondé d’une plainte de discrimination, le fardeau de la preuve est renversé et incombe à  la partie qui cherche à  restreindre le droit en cause, afin qu’elle prouve que la discrimination peut être justifiée. À cette fin, il faut établir trois choses. En premier lieu, la norme discriminatoire est liée de façon rationnelle au service fourni. En deuxième lieu, la norme a été adoptée de bonne foi, selon la croyance honnête qu’elle était nécessaire à  l’atteinte de l’objectif. Enfin, elle était nécessaire de façon raisonnable à  l’atteinte de l’objectif ou du but, notamment si d’autres solutions ont été envisagées et si la norme en cause était destinée à  réduire les répercussions relatives aux droits de la personne sur les personnes déjà  visées. Compte tenu de l’optique retenue par la Loi canadienne sur les droits de la personne, examinons certains des arguments que le Comité a entendus pour justifier l’interdiction imposée aux couples de conjoints de même sexe de se marier civilement.

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Mariage entre conjoints de même sexe et liberté de religion

Lors de ces audiences, les membres du Comité se sont interrogés sur l’incompatibilité éventuelle entre liberté de religion et mariage civil entre conjoints de même sexe.

La liberté de religion est une question au sujet de laquelle la Commission canadienne des droits de la personne possède une certaine expertise. La religion fait partie des onze motifs de discrimination qui sont interdits par la Loi canadienne sur les droits de la personne. L’an dernier, nous avons reçu environ 50 plaintes de personnes qui estimaient avoir été traitées injustement au travail ou lors de la prestation de services à  cause de leur religion.

La liberté de religion est un droit fondamental de notre société. Il s’ensuit que l’état ne peut imposer à  un groupe religieux des activités ou pratiques qui seraient de nature à  porter atteinte à  sa liberté de religion, sauf quand il peut être démontré par l’état que cela est justifiable dans une société libre et démocratique. La liberté de religion a également pour corollaire qu’un groupe ne peut imposer ses croyances religieuses à  un autre groupe. C’est seulement dans une théocratie que les valeurs laïques sont les mêmes que les valeurs religieuses.

Pour de nombreuses personnes, le mariage est un acte religieux et cet acte continuera d’être protégé par la législation sur les droits de la personne. Certaines religions souhaitent célébrer des mariages entre conjoints de même sexe et une modification de la loi leur permettrait de le faire. Cependant, l’état permet et approuve les mariages civils. Tant et aussi longtemps que l’état continue d’autoriser les mariages civils, nous estimons que les normes fixées par le législateur afin de lutter contre la discrimination exigent que la possibilité de contracter un mariage civil soit offerte à  tous les Canadiens.

Le Canada est une société laïque où les pratiques religieuses traditionnelles continuent d’avoir cours en même temps que de nouveaux types de relations tels que les relations entre partenaires de même sexe se voient reconnus et acceptés dans un grand nombre de domaines relevant du droit. Il y a lieu de noter la différence d’approche entre la stigmatisation sociale de ce type de relations dans certaines sociétés théocratiques et les pratiques des démocraties de type laïque fondées davantage sur l’intégration. Les Canadiens souhaitent vivre dans une démocratie où ils peuvent jouir de la reconnaissance de leurs choix et de leurs droits et de la protection correspondante.

Mariage entre conjoints de même sexe et définitions traditionnelles du mariage

Un argument pour refuser le mariage entre conjoints de même sexe tient à la définition du mariage : historiquement, les gais et les lesbiennes ont été exclus de l’institution du mariage, par conséquent, le mariage civil devrait être considéré comme synonyme d’hétérosexualité. Tout au long de l’histoire, il n’y a cependant eu aucune définition figée du mariage. à€ certains endroits et à certaines époques, on considérait que le mariage entre enfants était possible. Pourtant, les mariages interraciaux n’étaient pas permis.

Certes, les conjoints de même sexe ne pouvaient pas se marier dans le passé, mais cela ne constitue pas une raison pour qu’ils ne puissent pas le faire aujourd’hui. Les traditions historiques ne peuvent, à  elles seules, justifier la discrimination, pas plus d’ailleurs que l’histoire ou la tradition ne pourrait être invoquée pour refuser l’exercice du droit de propriété aux femmes ou refuser des postes politiques à  des personnes de couleur. Comme de nombreux autres concepts ayant une origine commune, tels la famille, les conjoints et la personne, les définitions du mariage civil sont appelées à  changer au Canada où s’applique la Charte.

L’un des arguments connexes à la tradition est que le mariage a pour but la procréation. Selon cet argument, si seuls les hommes et les femmes peuvent procréer et que le mariage a pour but d’avoir des enfants, le mariage devrait donc être réservé aux hétérosexuels. Mais nous savons très bien que des couples formés de conjoints hétérosexuels se marient même s’ils ne peuvent pas avoir d’enfants ou s’ils n’ont pas l’intention d’en avoir. Si l’on ne peut refuser le droit de se marier à des couples stériles, impuissants ou plus à¢gés à cause du lien existant entre mariage et procréation, on ne peut pas non plus le faire à  l’égard des couples formés de conjoints de même sexe.

On a également fait valoir devant le Comité qu’une modification de la législation pour permettre le mariage entre conjoints de même sexe entraînerait des demandes d’unions de tous les genres, notamment la polygamie et d’autres. La discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est interdite par la Loi et c’est pour cette raison que nous considérons que l’interdiction des mariages civils entre conjoints de même sexe est discriminatoire. La Loi canadienne sur les droits de la personne reconnaît que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est illégale parce que le législateur a choisi d’inclure ce motif dans la législation. La législation canadienne sur les droits de la personne n’a pas donné à  l’orientation sexuelle une définition englobant autre chose que l’hétérosexualité, l’homosexualité ou la bisexualité. L’orientation sexuelle ne s’étend pas à  la polygamie ni à  d’autres types d’unions.

Aujourd’hui, même si les gais et les lesbiennes sont légalement protégés contre la discrimination au Canada et ont, dans une large mesure, droit aux mêmes avantages que les hétérosexuels, des obstacles demeurent en ce qui a trait aux institutions sur lesquelles repose notre société. Refuser aux gais et aux lesbiennes le droit de se prévaloir de l’institution sociale que constitue le mariage, même en leur offrant une « solution de rechange » comme les partenariats domestiques enregistrés, équivaut à  leur refuser une véritable égalité. La reconnaissance par l’état des unions entre conjoints de même sexe démontrerait de façon éclatante que les gais et les lesbiennes sont passés de l’égalité formelle à l’égalité réelle et qu’ils constituent des membres à  part entière de la société canadienne.

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Partenariats domestiques et autres solutions

Le document de travail propose trois modèles pour régler la question du mariage entre conjoints de même sexe. L’une des solutions qu’il offre est le statu quo en vertu duquel l’interdiction des mariages civils entre conjoints de même sexe serait incluse dans la loi. La Commission a examiné cette solution eu égard aux notions d’égalité et de non-discrimination et a conclu que l’interdiction des mariages entre conjoints de même sexe est assimilable à  la discrimination interdite par la Loi canadienne sur les droits de la personne.

La deuxième solution, légiférer sur les mariages entre conjoints de sexe opposé tout en ajoutant un registre civil, permettrait à  la fois aux couples de même sexe et aux couples de sexe opposé de vivre dans une union qui ne serait pas appelée « mariage » mais qui leur permettrait d’avoir les mêmes droits et les mêmes obligations que dans le cadre du mariage civil aux fins du droit canadien. Selon cette solution, le mariage continuerait d’exister sous sa forme actuelle, mais il serait distinct des « partenariats » offerts comme solution alternative. Si l’on applique la législation canadienne sur les droits de la personne, les institutions « distinctes mais égales » que sont les partenariats domestiques ne représentent pas une véritable égalité et le législateur devrait faire face dans un tel cas aux mêmes contestations en matière de droits de la personne que ce serait le cas si le statu quo était maintenu.

Au lieu de permettre aux couples de même sexe de se marier, l’enregistrement des unions crée des unions de deuxième ordre. Les homosexuels seraient encore tenus à  l’écart de la principale institution célébrant les unions. Une telle solution ferait simplement ressortir le statut moins important qui est accordé à  l’heure actuelle aux couples de même sexe.

Enfin, la troisième solution consisterait à  laisser aux religions le soin de s’occuper des mariages. Le mariage religieux ne serait pas reconnu par l’état et le mariage civil serait aboli. Cette option, ainsi qu’il est mentionné dans le document de travail du ministère de la Justice, n’est pas sans comporter de nombreuses contraintes, sur lesquelles il ne nous revient pas de nous prononcer pour la plupart d’entre elles. Elle propose certes une voie en accord avec le rôle laïque dévolu à l’état. On pourrait strictement faire valoir que cette option satisfait au critère d’égalité formelle en ce sens que, sans égard à l’orientation sexuelle, le rôle assumé par l’état eu égard à  l’union de deux personnes serait alors identique. La Commission ne saurait trop mettre le législateur en garde contre un tel raisonnement. Si, en vue de régler la question du mariage civil entre personnes de même sexe et de tenter de concilier les divisions qui se font jour à cet égard au sein de la société, celui-ci s’avisait de réaménager la terminologie du mariage, il resterait à déterminer s’il s’agirait là d’un pas réel dans la voie d’un compromis ou plutôt d’un artifice ingénieux visant à voiler une forme de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle? Du point de vue de la Commission, le fait que cette question se pose accroîtrait d’autant la complexité de cette option.

Conclusion

Les droits, garanties et avantages que le législateur a reconnus aux gais et aux lesbiennes au Canada font l’objet d’éloges partout dans le monde. L’inclusion de l’orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne a constitué un progrès certain, et elle est maintenant reconnue comme un testament à une société qui, partout dans le monde, est considérée comme tolérante, généreuse et respectueuse des choix et des attentes des individus.

Pour la Commission canadienne des droits de la personne, la seule solution qui respecte les droits à l’égalité qui ont déjà été reconnus par le législateur consiste à faire disparaître les distinctions entre les conjoints de même sexe et les conjoints hétérosexuels et à permettre de délivrer des licences de mariage civil aux couples de même sexe.