Responsabilisation en matière des droits de la personne dans les opérations de sécurité nationale : présentation au caucus Libéral du Sénat

Notes pour une allocution de

Marie-Claude Landry, Ad. E.

Présidente

Commission canadienne des droits de la personne

Exposé devant le

caucus ouvert des sénateurs libéraux sur les droits de la personne et la sécurité

Mercredi 27 mai 2015Ottawa (Ontario)

Merci pour cette belle présentation.

Je remercie aussi le caucus libéral du Sénat de m’avoir invitée à  participer à  cette discussion aujourd’hui. 

Permettez-moi de vous présenter ma collègue, Monette Maillet, directrice générale de la Promotion des droits de la personne. Sa direction générale a piloté les travaux de recherche dont il sera question aujourd’hui.

J’ai trois messages à  vous communiquer.

Premièrement, les organisations responsables de la sécurité nationale ne peuvent pas prouver qu’elles ne font pas de discrimination en fonction de la race, de la religion ou de l’origine ethnique. Si elles ne peuvent rien prouver, c’est parce qu’elles ne recueillent pas de données statistiques montrant qu’aucun préjugé n’entache leur mode de fonctionnement.

Deuxièmement, les organisations responsables de la sécurité nationale courent ainsi le risque de perdre la confiance du public.

Troisièmement, le Parlement devrait exiger que les organisations responsables de la sécurité nationale suivent leur rendement en matière de respect des droits de la personne et qu’elles rendent publiques leurs constatations.

La Commission canadienne des droits de la personne a pour mandat de veiller à  ce que chaque personne profite de l’égalité des chances et puisse vivre sans discrimination. Nous appliquons la Loi canadienne sur les droits de la personne et nous vérifions si les employeurs sous réglementation fédérale respectent la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

Nous recevons aussi les plaintes de discrimination fondées sur les 11 motifs prévus par la Loi canadienne sur les droits de la personne et nous contribuons à  la vision du Parlement en faveur d’une société inclusive au moyen de recherches, de l’élaboration de politiques et d’activités de sensibilisation.

J’ai tiré toutes mes observations d’aujourd’hui de deux rapports produits en 2011 par la Commission canadienne des droits de la personne, soit le rapport de recherche intitulé L’Évaluation des impacts des mesures de sécurité sur les droits de la personne et le rapport spécial au Parlement intitulé La responsabilisation en matière de droits de la personne dans les pratiques de sécurité nationale

Les deux publications sont le fruit de dix ans de travaux de recherche sur la sécurité nationale et les droits de la personne dans le contexte canadien. 

La Commission a étudié et analysé des affaires judiciaires, des enquêtes publiques, des travaux de recherche en sciences sociales et des travaux de comités parlementaires.

Elle a aussi consulté des organisations responsables de la sécurité nationale au Canada.

Il s’est écoulé quatre ans depuis le dépôt de cet avis au Parlement. Aucune organisation de sécurité nationale n’a porté à  notre attention quelque intention que ce soit de suivre nos recommandations. à€ mon avis, nos constatations et nos recommandations demeurent d’actualité. 

***

La Commission a passé en revue les pratiques des organisations responsables de veiller à  la sécurité nationale.

Nous avons constaté qu’un grand nombre de ces organisations ont adopté des politiques visant à  prévenir les actes discriminatoires.

Nous avons aussi remarqué que peu d’entre elles pouvaient produire des données objectives montrant que leurs politiques sont respectées.

En fait, il n’y a pas de données objectives. 

Je m’explique. Les organisations responsables de la sécurité nationale ne sont pas obligées de rendre compte publiquement de ce qu’elles font pour respecter leurs obligations en matière de droits de la personne.

Par exemple, de nombreuses organisations ont adopté des politiques visant à  empêcher les actes discriminatoires, comme le profilage. 

Mais il n’y pas de mécanisme de collecte et d’analyse des données pour vérifier si elles font de la discrimination en fonction de caractéristiques particulières comme la race, l’origine ethnique ou la religion.

Ce qui m’amène à  mon deuxième point.

Si elles ne surveillent pas leurs processus de manière transparente pour démontrer l’efficacité de leurs politiques relatives aux droits de la personne, les organisations responsables de la sécurité publique s’exposent à  la critique et risquent de perdre la confiance du public

Plus une organisation est en mesure de prouver que les politiques souhaitées par le public sont respectées, plus elle aura de chances de gagner et de conserver la confiance du public. 

Comme vous le savez, la confiance du public est essentielle. 

Il est plus facile d’appliquer des lois et d’autres mesures destinées à  assurer notre sécurité quand les gens les appuient. 

Or, pour que le public donne son appui, il doit être convaincu que les règles sont appliquées de manière juste et systématique.

à l’heure actuelle, la plupart des lois et règlements qui autorisent les organisations responsables de la sécurité nationale à  agir en notre nom n’abordent pas du tout la question des droits de la personne. 

J’en arrive maintenant à  mon troisième point.

Le Parlement devrait obliger les organisations responsables de la sécurité nationale à  suivre de près leur rendement à  l’égard des droits de la personne. Leurs constatations devraient être divulguées à  la population canadienne.

Dans son rapport spécial, la Commission recommandait au Parlement d’obliger légalement les organisations responsables de la sécurité nationale à  instaurer des mécanismes de reddition de comptes. 

Ces mécanismes les obligeraient à  recueillir des données sur leurs activités pour vérifier s’il existe, dans les faits, des préjugés injustes à  l’égard de certaines personnes en raison de leur race, de leur religion ou de leur origine ethnique. 

***

Certaines personnes soutiennent que la responsabilité du gouvernement en matière de sécurité nationale est en opposition avec sa responsabilité de défendre les droits de la personne.

  • qu’une sécurité publique efficace se fait au détriment des droits de la personne.
  • que nous devons renoncer à  l’un pour avoir l’autre.

Pourtant, les tribunaux ont déjà statué que les droits de la personne et la sécurité nationale ne constituent pas une question de choix.

L’un n’est pas supérieur à  l’autre. 

Je voudrais terminer mon propos par une citation.

Lorsqu’on a demandé à  la Cour suprême du Canada de considérer précisément la relation entre la sécurité nationale, les droits de la personne et la primauté du droit, sa réponse a été claire, et je cite :

« Dans une démocratie, tout n’est pas permis pour contrer le terrorisme. Ce qui peut sembler être un désavantage, au premier abord, n’en est pas un en réalité. La réaction au terrorisme, qui respecte la primauté du droit, protège et renforce les libertés précieuses qui sont essentielles à  une démocratie. »

Fin de la citation.

Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à  vos questions.

Date modifiée :