Allocution de la présidente devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne

Notes d’allocution pour

Marie-Claude Landry, Ad. E.

présidente
Commission canadienne des droits de la personne

Allocution devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne concernant le projet de loi S-201,
Loi visant à  interdire et à  prévenir la discrimination génétique

Le 24 février 2016
Ottawa (Ontario)

Le texte prononcé fait foi

Monsieur le président, honorables membres du Comité, 

Je vous remercie d’avoir invité la Commission canadienne des droits de la personne à  contribuer à  l'étude du projet de loi S-201, Loi visant à  interdire et à  prévenir la discrimination génétique. 

Je vous présente ma collègue, Marcella Daye, analyste principale des politiques de notre Division des politiques, de la recherche et des affaires internationales.

Nous sommes ici aujourd’hui pour réitérer certain des messages importants que mon prédécesseur a déjà exprimés aux membres du Comité en 2014 :

D’abord, il est important d’interdire la discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques, de manière à  protéger les Canadiennes et les Canadiens contre le risque de voir leurs renseignements génétiques utilisés à  leur désavantage. 

La décision d’ajouter les « caractéristiques génétiques » à  la liste de motifs de distinction illicites permettrait à  la population canadienne de porter plainte à  la Commission sans avoir à  invoquer d’autres motifs. Ainsi, on facilite l’accès à  la justice pour tous, incluant les populations les plus vulnérables.

Enfin, si cette protection était inscrite noir sur blanc dans la Loi, il deviendrait clair que chaque personne a le droit d'être traitée équitablement quelles que soient ses caractéristiques génétiques. 

Permettez-moi de vous résumer notre mandat. Comme vous le savez sans doute, le Parlement a voulu que la Loi canadienne sur les droits de la personne favorise l’égalité et protège la population canadienne contre la discrimination fondée sur des motifs comme l’âge, le sexe, la déficience, la race, etc. – il y en a présentement 11 en tout. Notre vision est celle d’une société où chaque personne est valorisée et respectée.

La recherche génétique est extrêmement prometteuse. Elle a généré de nouvelles méthodes diagnostiques et thérapeutiques. Plusieurs affirment qu’elle révolutionnera les soins de santé. 

De nombreuses personnes admettent ses avantages, mais de très grandes zones grises demeurent. 

 La recherche fait des progrès à  un rythme accéléré. Les analyses génétiques dévoileront de plus en plus de détails sur nous. Bien sûr, les gens sont curieux de voir ce que leur profil génétique pourrait révéler. Ai-je un marqueur pour une maladie héréditaire, pour l’inquiétude ou encore les gènes d’un grand leader ?

En fait, la recherche soutient que notre analyse génétique peut même jouer un rôle important dans la formation de nos traits de caractère. Par exemple, les gênes pourraient déterminer notre niveau de motivation, notre facilité d’interaction avec les autres ou notre capacité d’apprentissage.

 Les enjeux sont importants quand il s’agit de critères d’embauche.

 Notre bagage génétique est très personnel. Certaines personnes nous ont dit éviter les analyses génétiques parce qu’elles ont peur – peur que les analyses qui sont censées les aider soient un jour utilisées contre elles. 

 Ces gens craignent de subir de la discrimination – que ce soit par des employeurs ou par des contrats de service – en raison de ce que leurs gènes peuvent révéler. 

 Mais qui peut les blâmer? Il y a un flou juridique dans ce domaine. La discrimination génétique est un tout nouveau domaine du droit pour lequel les tribunaux n'ont pas établi de critères. Il n’y a pratiquement pas de jurisprudence canadienne dans ce domaine.

 Aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission peut accepter les plaintes de discrimination en raison de caractéristiques génétiques, à  la condition qu’elles soient liées à  un autre motif comme la déficience.

 Nous croyons cette façon de faire trop contraignante. 

 Supposons qu'un employeur décide dorénavant d’exiger des profils génétiques comme critères d’embauche. Les personnes qui n'auraient pas le bon profil génétique subiraient-elles de la discrimination malgré leurs diplômes et l’expérience nécessaires? 

 Voulons-nous voir la société canadienne s'engager dans cette voie? 

 Le Parlement sait depuis longtemps que les lois doivent évoluer pour s'adapter aux changements sociaux et technologiques. 

 Si on ajoutait les « caractéristiques génétiques » à  la liste des motifs de distinction interdits par la Loi canadienne sur les droits de la personne, on favoriserait cette adaptation. La Commission pourrait alors accepter des plaintes pour discrimination génétique sans avoir à  les relier à  des motifs existants.

 Mais le plus important est de définir clairement les protections prévues par la Loi. Il serait clair que toute personne a légalement le droit à  un traitement équitable, peu importe son identité et ce que son bagage génétique peut révéler. De plus, les employeurs seraient mieux à  même de comprendre leurs obligations et à  faire le nécessaire pour prévenir la discrimination.

En conclusion, la Commission appuie le projet de loi S-201.

Je crois que l’analyse génétique a été conçue pour améliorer nos vies. Sans ces protections l’utilisation du profil génétique pourrait avoir l’effet contraire.

Procéder à  une analyse qui peut vous sauver la vie ne devrait pas soulever de craintes d’un autre ordre.

Je vous remercie. Ma collègue et moi-même ferons de notre mieux pour répondre à  vos questions.

Date modifiée :