Allocution pour la rencontre de 2023 des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables des droits de la personne

Notes d’allocution

Charlotte-Anne Malischewski

Présidente intérimaire
Commission canadienne des droits de la personne

Allocution pour la rencontre de 2023 des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables des droits de la personne

Le 19 juin 2023
15 h 05 - 16 h 30 (heure de l'Atlantique)
7 minutes

LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Merci beaucoup.

Bonjour, honorables ministres et collègues défenseurs des droits de la personne.

J'aimerais commencer par reconnaître le territoire non-cédé de la nation du peuple Mi'kmaq, ainsi que les terres et les eaux de ce qui est maintenant connu sous le nom de Halifax. Je tiens aussi à reconnaître tous les territoires autochtones représentés par les personnes qui se joignent virtuellement à nous aujourd'hui.

J'aimerais également vous remercier de m'avoir donné l'occasion de participer à cette importante réunion et d'y faire quelques brèves observations.

En me préparant pour cette journée, j'ai réfléchi au vaste mandat de la Commission canadienne des droits de la personne, en tant qu'institution nationale des droits de la personne au Canada.

Comme vous le savez, nous portons plusieurs chapeaux :

  • en tant qu'employeur fédéral;
  • en tant qu'organisme d'examen des plaintes de discrimination déposées à l'encontre des organisations fédérales;
  • en tant qu'organisme de réglementation fédéral en vertu de plusieurs lois en matière des droits de la personne au Canada;
  • en tant qu'organisme international de surveillance du respect par le Canada de ses obligations en matière de droits de la personne;
  • et en tant que défenseur des droits de la personne.

La Loi canadienne sur les droits de la personne nous confère la capacité et la responsabilité de sensibiliser et de nous exprimer sur toute question liée aux droits de la personne à l'échelle du Canada.

Ce n'est pas qu'une mince tâche!

Et à tout moment, d'innombrables questions relatives aux droits de la personne requièrent une attention particulière au pays.

Le défi de la Commission est de concentrer ses efforts et ses ressources limitées sur des questions clés et prioritaires.

Il s'agit notamment des droits des peuples autochtones et de la réconciliation, de la lutte contre le racisme systémique, de la protection des droits des personnes en situation de handicap et de la défense du droit à un logement adéquat.

Pour en nommer que quelques-uns.

Mais pour ne pas dépasser le temps qui m'est alloué, je vais consacrer mon intervention d'aujourd'hui à une question que nous estimons tout aussi urgente, mais souvent méconnue : les droits de la personne de ceux et celles qui, au Canada, sont privés de leur liberté dans divers lieux de détention.

Il s'agit d'une question de droits de la personne rarement mise en avant, mais qui nous rappelle fortement ce que Nelson Mandela appelait la grande mesure d'un pays : la manière dont nous traitons les personnes que nous détenons.

Actuellement, dans toutes les juridictions à travers le pays, les personnes privées de leur liberté sont confrontées à de nombreux enjeux en matière de droits de la personne. Ces enjeux vont au-delà du cadre du système carcéral.

Je parle notamment :

  • du recours à l'isolement cellulaire,
  • du placement de personnes en situation de handicap dans des établissements inappropriés en raison de l'absence de soutien communautaire adéquat,
  • de l'entreposage de prisonniers âgés, alors que des solutions alternatives à la prison seraient plus appropriées,
  • de l'impact disproportionné de la pandémie sur les personnes n'étant pas en mesure de quitter les établissements de soins de longue durée,
  • de la détention de personnes ayant immigré au Canada dans des institutions destinées aux personnes reconnues coupables de crimes,
  • et la surreprésentation des enfants autochtones et noirs dans les institutions modernes par le biais du système de protection de l'enfance.

Ce que nous constatons, de manière générale, c'est l'impact disproportionné de ces enjeux en matière de droits de la personne sur les peuples autochtones, les personnes noires et les autres personnes racisées, les personnes en situation de handicap et, plus particulièrement, les personnes atteintes de troubles de santé mentale, les femmes, les jeunes, les personnes s'identifiant comme 2ELGBTQIA+, et les personnes sans domicile fixe.

Un grand nombre de ces personnes sont déjà confrontées à des obstacles systémiques d''inégalité et à des circonstances vulnérables avant d'être détenues.

Une fois détenues, elles sont souvent confrontées au racisme systémique, à la violence, à la négligence et au mauvais traitement.

Que peut donc faire le Canada? Par où commencer?

La Commission canadienne des droits de la personne estime que l'existence de mécanismes transparents et indépendants de surveillance et de responsabilité dans tous les lieux de détention diminue le risque d'abus et de mauvais traitements, réduit la corruption et rétablit la dignité et les droits de la personne pour les personnes les plus vulnérables.

Cependant, à l'heure actuelle, plusieurs de ces lieux et la manière dont ils utilisent la détention ne font pas l'objet d'une surveillance indépendante permanente.

C'est pourquoi nous pensons qu'une mesure concrète que le Canada peut prendre est de ratifier le Protocole facultatif des Nations Unies à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le titre est long et nous le connaissons sous le nom d'OPCAT.

Compte tenu de la représentation disproportionnée des personnes racisées dans de nombreux lieux de détention au Canada, la ratification de l'OPCAT est une mesure concrète que le Canada devrait prendre. Il permettrait de renforcer les efforts visant à faire progresser les mesures de lutte contre le racisme dans le cadre des obligations du Canada au titre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale - qui, nous le savons, est l'un des thèmes débattus ici aujourd'hui.

Nous ne sommes pas les seuls à demander au Canada de ratifier l'OPCAT. D'autres États, organismes de surveillance, intervenants et experts internationaux en matière de droits de la personne ont à maintes reprises appelé le Canada à le faire.

Nous pensons que la ratification de l'OPCAT renforcerait non seulement la protection des droits de la personne au Canada, mais elle démontrerait clairement l'engagement du Canada à respecter ses obligations en matière de droits de la personne.

C'est également le bon moment pour le faire.

Le Canada cherche actuellement à obtenir un siège au Comité des droits de la personne des Nations Unies. En novembre, le Canada comparaîtra à l'examen périodique universel aux Nations Unies.

Le Canada a ici l'occasion de consolider sa réputation de leader en matière de droits de la personne.

La ratification de l'OPCAT serait l'un des signaux les plus forts que le Canada pourrait envoyer ici et ailleurs dans le monde pour montrer que notre pays est déterminé à protéger les droits fondamentaux de chaque personne.

Parce que la Commission canadienne des droits de la personne croit que chaque personne mérite d'être traitée avec dignité.

Chaque personne est importante.

C'est le Canada auquel nous croyons.

Je vous remercie de votre attention.

Date modifiée :