Comparution devant le Comité permanent des peuples autochtones du Sénat au sujet d’un cadre canadien des droits de la personne

Notes d’allocution

Charlotte-Anne Malischewski
Présidente intérimaire
Commission canadienne des droits de la personne

Comparution devant le Comité permanent des peuples autochtones du Sénat au sujet d’un cadre canadien des droits de la personne

Le 18 avril 2023
7 minutes
9h

La version prononcée fait foi

Bonjour, chers honorables sénateurs et sénatrices,

Merci de nous avoir invités à comparaître devant votre comité.

Aujourd’hui, je suis accompagnée de mes collègues : Tabatha Tranquilla, Directrice des politiques, de la recherche et des relations internationales, et de Valerie Philips, directrice et avocate générale de la Direction générale des services des plaintes.

C'est avec beaucoup d’humilité que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel et non cédé des peuples algonquins Anishnaabeg, qui ont nourri et continuent de nourrir ces terres et ces eaux que nous appelons Ottawa.

L'amélioration de la protection et de la promotion des droits de la personne pour les peuples autochtones est depuis longtemps au cœur du travail de la Commission.

Nous avons pu constater de première main que l'accès à un processus significatif en matière de droits de la personne peut être un agent de changement puissant.

Nous sommes également conscients des écarts et des obstacles inhérents à tout système de droits de la personne d’origine coloniale.

L'un des plus grands obstacles a été in qui été inclus dans le fondement de notre loi. Dès la création de la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1977, une l’article 67 de cette loi interdisait aux personnes de déposer des plaintes pour discrimination liée à toute question relevant de la Loi sur les Indiens.

Cela faisait en sorte qu’il était interdit pour des centaines de milliers de membres des Premières Nations de déposer de plaintes de discrimination concernant les règles et les systèmes qui influencent leur vie quotidienne.

Pendant des années, nous avons demandé un changement à cet égard. Finalement, en 2018, le Parlement a abrogé l’article 67.

Ce qui s’en est suivi pendant les quelques années suivantes était un afflux important de nouvelles plaintes nouvelles, souvent complexes.

Plusieurs d’entre elles auraient été auparavant interdites par l’article 67.

D’autres ont été le résultat d’une sensibilisation accrue des personnes autochtones à propos du système des droits de la personne – en grande partie en raison du travail de sensibilisation de la Commission à l’époque.

Depuis maintenant 15 ans, nous avons participé activement au règlement et représenté l’intérêt public dans une série de dossiers complexes, lesquels ont soulevé des questions systémiques en matière de droits de la personne des Autochtones.

Par exemple :

  • l'inscription au Registre des Indiens et l'appartenance à une bande;
  • le droit de transmettre son statut à ses enfants biologiques, à ses enfants adoptés ou à ses petits-enfants;
  • le droit à un logement adéquat dans les réserves;
  • le financement des services de police des Premières Nations;
  • le financement de l'éducation des Premières Nations;
  • la sécurité et la santé des femmes autochtones dans les prisons;
  • et peut-être plus particulièrement, le droit des enfants des Premières Nations à vivre en sécurité dans leur famille, dans la mesure du possible.

À travers tout cela, nous avons poursuivi notre apprentissage par l’entremise des plaintes déposées et de notre engagement avec des personnes autochtones, leurs communautés et leurs défenseurs.

Entre 2013 et 2014, la Commission a parcouru le pays afin de rencontrer des femmes autochtones et des organisations qui les appuient.

Dans notre rapport intitulé « Hommage à la résilience de nos sœurs », nous avons documenté 21 obstacles portant sur la justice en matière de droits de la personne pour les femmes autochtones, qui nous ont été signalés par les femmes elles mêmes.

Des obstacles tels que : les différences culturelles et perspectives sur le monde; les barrières linguistiques; la confusion entourant les sphères de compétence; le manque de soutien juridique; le déséquilibre des pouvoirs; et la crainte de représailles.

Nous avons donc continué à améliorer nos processus.

Et ces améliorations se poursuivent.

La réalité est : qu’aucune organisation ne pourra être le modèle parfait, le chemin parfait vers la justice.

Les protections en matière des droits de la personne doivent évoluer avec la société.

C’est pourquoi aujourd’hui, nous sommes ravis de parler d'une étape importante visant à améliorer les droits de la personne des peuples autochtones au Canada.

Soyons clairs : La Commission canadienne des droits de la personne appuie pleinement la création d’un mécanisme de défense des droits de la personne pour les peuples autochtones du Canada.

Nous croyons que tout nouveau mécanisme indépendant qui fait progresser la décolonisation et l’auto-détermination est bienvenu, et depuis longtemps attendu.

Dans cette optique, nous avons trois points principaux à présenter pour la considération du comité à ce sujet :

  • Un : Que tout nouveau mécanisme de défense des droits de la personne des Autochtones doit être élaboré et dirigé par des personnes autochtones diverses, pour des personnes autochtones diverses.
  • Deux : Que tout nouveau mécanisme doit être élaboré afin de protéger et de promouvoir les droits intersectionnels des femmes autochtones et des populations diverses, spécialement celles en situation de vulnérabilité.
  • Trois : Tout nouveau mécanisme doit avoir le pouvoir de traiter des problèmes systémiques et d’y remédier.

Pour ce qui est de mon premier point, il est important que tout nouveau mécanisme soit élaboré et dirigé par des personnes autochtones diverses, pour des personnes autochtones diverses. Cela doit inclure :

  • Veiller à ce que les mécanismes disposent de ressources et de soutiens suffisants pour remplir leur mandat.
  • Veiller à ce que les mécanismes soient suffisamment indépendants de tout gouvernement – fédéral, provincial, territorial, municipal ou autochtone.
  • Veiller à ce que les mécanismes soient faciles d'accès et d'utilisation, et qu'ils produisent des solutions et des recours réels et efficaces.

Je reviens maintenant à notre deuxième point pour le comité :

La Commission estime qu'il est tout aussi important que les nouveaux mécanismes assurent la protection et la promotion des droits de la personne intersectionnels des femmes des Premières Nations, Inuits et Métis et des populations diverses, y compris les communautés et les groupes en situation de vulnérabilité.

Tout nouveau mécanisme doit garantir l'accès à la justice en matière de droits de la personne pour les femmes autochtones, qui ont dû à maintes reprises lutter contre les systèmes existants pour faire reconnaître leurs droits et ceux de leurs enfants.

En outre, tout nouveau mécanisme doit prendre en compte les droits des personnes des Premières Nations, des Inuits et des Métis en situation de handicap, des Autochtones bispirituels et appartenant à d’autres communautés LGBTQQAI+, des enfants, des jeunes et des aînés autochtones, ainsi que des personnes vivant dans la pauvreté ou sans domicile fixe.

Tout nouveau mécanisme doit inclure toutes ces voix, dans son élaboration et dans son fonctionnement.

Enfin ceci m’amène à mon dernier point, à savoir : Qu’il est essentiel que tout nouveau mécanisme ait également le pouvoir de traiter aux problèmes systémiques et d’y remédier.

Un changement significatif et durable doit être l'objectif ultime de cette quête.

J’aimerais conclure en disant qu’au fur et à mesure que diverses options sont mises de l’avant, la Commission sera heureuse de partager toute l’expertise qu’elle peut apporter. Nous serons ravis de jouer un rôle si le Parlement et les peuples autochtones veulent nous en confier un.

Merci. Nous aurons le plaisir de répondre à vos questions.

Date modifiée :