Conférence de presse pour le lancement du Rapport de suivi présenté à la Commission canadienne des droits de la personne sur les droits de la personne des Innus du Labrador

Notes d’allocution

Marie Claude Landry, Ad. E.
Présidente
Commission canadienne des droits de la personne
Conférence de presse pour le lancement du Rapport de suivi présenté à la Commission canadienne des droits de la personne sur les droits de la personne des Innus du Labrador

Le 9 août 2021

13 h 30 (HT)

8 minutes

La version prononcée fait foi

Bonjour à tous et toutes.

Aujourd’hui est un grand jour, un jour que nous attendions depuis longtemps. 

À l’occasion de la Journée internationale des peuples autochtones, nous sommes réunis aujourd’hui pour la publication du Rapport de suivi présenté à la Commission canadienne des droits de la personne sur les droits de la personne des Innus du Labrador.

Je voudrais tout d’abord reconnaître respectueusement que la terre sur laquelle nous nous réunissons est la terre ancestrale des Béothuks, dont la culture a été effacée à jamais. 

Je souhaite également reconnaître avec respect les diverses histoires et cultures des Mi’kmaq, des Innus et des Inuits de Terre Neuve et du Labrador.

Comme l’ont fait les Premières nations depuis des temps immémoriaux, nous nous efforçons d’être des intendants responsables de la terre et de respecter les cultures, les cérémonies et les traditions de tous ceux et celles qui y vivent.

En ouvrant nos cœurs au passé, nous nous engageons à travailler dans un esprit de vérité et de réconciliation afin de créer un meilleur avenir pour tous et pour toutes.

En me tenant debout ici aujourd’hui, je repense avec émotion aux discussions marquantes que j’ai eues à Ottawa avec l’ancien grand chef Gregory Rich et une délégation de la Nation innue au printemps de 2018.

Aussi, ma mémoire est pleine de souvenirs importants et marquants du temps que j’ai passé l’année suivante dans les communautés innues Sheshatshiu and Natuashish.

J’étais interpellée et émue – et je le suis encore – par : 

  • la résilience des personnes innues,
  • la beauté de leurs paysages, 
  • leur autonomie et autodétermination innées, 
  • la richesse de leur histoire,
  • et le dévouement de leurs dirigeants.

Ces souvenirs resteront toujours gravés dans mon cœur, et je ne remercierai jamais assez la Nation innue pour son accueil chaleureux et son ouverture.

Vingt-huit années se sont écoulées depuis la première enquête sur les droits de la personne de la Nation innue menée en 1993…

…Presque deux décennies depuis le premier rapport de suivi publié en 2002…

…C’est long…

…On pourrait même parler d’une génération.

Au cours de cette période, nous avons constaté des progrès encourageants quant à la manière dont la population canadienne et les leaders du pays comprennent et reconnaissent les droits des peuples autochtones. 

Il y a eu un changement dans la conversation nationale. Il y a eu une prise de conscience nationale. 

Les Canadiennes et les Canadiens ont aujourd’hui une meilleure connaissance concrète qu’il y a 20 ans de la façon dont les racines historiques du colonialisme continuent de se manifester dans les écarts chroniques en matière d’égalité pour de nombreux peuples autochtones. 

Nous avons été témoins d’une série de programmes gouvernementaux, d’excuses du premier ministre, d’enquêtes nationales et d’autres initiatives qui ont ensemble permis d’améliorer la qualité de vie de nombreuses personnes autochtones au Canada.  

Pourtant...

Comme le démontrera ce rapport, bon nombre des difficultés que vivent encore aujourd’hui les Innus ressemblent énormément à celles qui étaient soulevées dans le premier rapport de 1993.

Je me permets de citer le rapport lui-même : « le Canada a une dette de justice envers les Innus pour le déni de leurs droits de la personne pendant des décennies. »

Il est question ici d’enjeux de droits parmi les plus fondamentaux :

  • l’accès aux soins de santé,
  • des interactions sécuritaires avec la police et les représentants du gouvernement,
  • la discrimination et le racisme systémique,
  • l’éducation, la langue et la culture.

Nous parlons du fait que la Nation innue doit être reconnue de la même façon que les autres communautés des Premières Nations l’ont été au cours des deux dernières décennies.

Il leur faut :

  • un accès équitable aux services essentiels fournis par le gouvernement fédéral, 
  • la reconnaissance des séquelles du système de pensionnats indiens sur des générations d’Innus et les indemnités conséquentes,
  • ainsi que la pleine inclusion des Innus aux enquêtes nationales et aux jugements relatifs aux droits de la personne en ce qui concerne les services d’aide à l’enfance financés par le gouvernement fédéral.

Ces initiatives, qui ont été déployées dans les 20 dernières années, n’ont jamais pris en considération la voix et les réalités des Innus.

Aujourd’hui, grâce à la publication de cette étude exhaustive de plus de 70 pages, le Canada a maintenant une feuille de route lui indiquant comment vraiment améliorer la situation des droits de la personne des Innus et corriger le mieux possible les écarts d’équité qui ont encore des répercussions dans leur vie quotidienne. Elle fournit une feuille de route sur la façon de restaurer la capacité des Innus à exercer les droits qui leur ont été refusés.

En fin de compte, ce que l’on retrouve au cœur de cette étude est le droit de la Nation innue à l’autodétermination, à l’autonomie gouvernementale et au contrôle de leurs terres, territoires et ressources.

Les Innus ont une histoire immensément riche qui a été entachée par le colonialisme, le paternalisme, les déracinements et les répercussions intergénérationnelles des pensionnats indiens autant que l’ont été les histoires respectives des autres Nations autochtones de l’ensemble du Canada.

Cette histoire, caractérisée encore aujourd’hui par les difficultés vécues par la Nation innue, ne doit pas être oubliée par le Canada.

Il faut y faire face avec le même sentiment d’urgence et les mêmes mesures dont les autres Premières Nations et communautés autochtones font enfin l’objet.

Nous espérons que le rapport publié aujourd’hui servira de point de départ.

Nous demandons instamment aux gouvernements fédéral et provincial de lire attentivement ce rapport et de prendre dûment et sérieusement en considération les recommandations qui y sont formulées.

Ils doivent collaborer étroitement et constructivement avec les Innus pour veiller à ce que leurs priorités et valeurs de ces derniers soient prises en compte dans toute mesure à prendre.

En terminant, je voudrais dire merci à plusieurs acteurs clés de ce rapport, même si le mot « merci » n’est pas toujours assez fort pour traduire toute la gratitude enfouie dans les profondeurs du cœur. 

Tout d’abord, je remercie les dirigeants innus, les membres des communautés innus et les conseillers légaux innus pour leurs témoignages et leur leadership qui ont contribué à mener à bien cette initiative.

Je remercie Celeste McKay et le professeur Donald McRae, pour leur écriture éloquente qui a rendu ce rapport non seulement exhaustif, mais aussi percutant.

Nous espérons tous et toutes que les conclusions et recommandations formulées dans ces pages génèrent des mesures concrètes en faveur d’une réelle égalité pour les Innus du Labrador.

Ce n’est qu’à ce moment que le Canada pourra dire qu’il commence à respecter ses obligations en matière de droits de la personne.

Merci.

Fin

Date modifiée :