Crimes haineux au Canada : Lacunes et atouts du système judiciaire

Notes d'allocution
Marie-Claude Landry, Ad. E.
Présidente de la Commission canadienne des droits de la personne
Mot de la fin
Évènement de la Fondation canadienne des relations raciales et Globe & Mail
« Crimes haineux au Canada : Lacunes et atouts du système judiciaire »

Globe and Mail Centre à Toronto via Zoom

Le 22 mars 2022

12h15 – 17h00

10 minutes

le texte prononcé fait foi

Merci beaucoup et merci à la Fondation canadienne des relations raciales et à l'équipe du Globe and Mail pour avoir réuni des experts de renoms sur cette importante question.

Je joins ma voix à celle des autres afin de souligner, en tout respect, que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés aujourd'hui font partie du territoire traditionnel de plusieurs nations, notamment : des Mississaugas de la Première Nation Credit; des Anishinabés; des Chippewas; des Haudenosaunees et des Wendats; et de diverses autres Premières Nations, Inuits et Métis.

Il y a tellement de choses à considérer de cette riche conversation.

Aux panélistes d'aujourd'hui : merci pour vos réflexions et votre engagement sur ces questions.

Ces discussions ont mis en évidence trois points essentiels pour moi.

Premièrement, il existe un vide juridique au Canada.

Deuxièmement, ce vide dans la protection juridique et l'avancement des technologies ont permis à la haine de se galvaniser.

Troisièmement, la lutte contre la haine nécessitera un régime complet, coordonné et proactif.

La discussion d'aujourd'hui nous a rappelé que la haine est une menace pour la sécurité publique, une menace pour la démocratie et une menace pour les droits de la personne.

Les discours haineux violent les droits de la personne et libertés les plus fondamentaux – le droit à l'égalité et la liberté contre la discrimination.

Le Canada a le devoir de se doter de lois qui garantiront que les droits de la personne soient adéquatement protégés, respectés, et concrétisés.

Ceci comprend la protection contre les discours haineux et la haine en ligne.

Le Canada n'a pas fait assez.

Il existe un vide juridique au Canada quant à la protection contre les discours haineux.

La perspective de la Commission sur ce domaine remonte aux dispositions relatives au discours haineux de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

L'article 13 permettait initialement une personne de soumettre une plainte pour des messages haineux enregistrés sur des numéros de téléphone 1-800.

Suite à l'attentat du 11 septembre 2001, le Parlement a modifié l'article 13 afin d'inclure les messages transmis au moyen de l'internet.

Même à ce moment, l'article 13 n'était pas suffisant.

Dès les premiers jours de l'internet, les communautés ciblées par la haine ont réclamé des lois plus strictes.

Au lieu, cet article de la Loi a été abrogé.

Par conséquent, une des seules options juridiques pour lutter contre la haine a été retirée.

Les personnes qui faisaient la promotion de discours haineux ont continué de le faire avec peu de conséquences.

Les impacts de ce changement n'étaient pas seulement juridiques, mais aussi sociaux.

Ceci a donné un regain aux personnes qui alléguaient que la liberté d'expression est absolue et qu'il ne devrait pas avoir aucune responsabilité légale pour promouvoir de la haine.

Leur point de vue a gagné en popularité, leurs groupes ont gagné en popularité et plus d'adeptes, et leur mouvement a pris de l'ampleur.

Comme les recherches du Globe and Mail l'ont démontré, l'option légale restante du Code criminel est souvent de peu d'utilité.

Ce vide dans la protection juridique et l'avancement des technologies ont permis à la haine de se galvaniser.

Aujourd'hui, la haine en ligne est plus facile à trouver, plus difficile à ignorer, et impossible à éviter.

L'internet a donné à chacun et chacune le pouvoir d'être un diffuseur.

La haine se propage rapidement or organiquement à l'aide des algorithmes et des pièges à clics.

Les entreprises peuvent maintenant héberger et promouvoir la haine en ligne sans pratiquement aucune responsabilité juridique, sans avoir à répondre de leurs actes.

La haine est utilisée pour isoler, harceler et écraser les individus en ligne.

Les comportements qui étaient inacceptables dans la vraie vie deviennent acceptables en ligne et cela conduit à des dommages réels.

Au cours des dernières années, nous avons vu de nombreux exemples dévastateurs.

La haine en ligne conduit à des menaces, de la violence, des meurtres et des massacres.

Même lorsque la haine ne se termine pas par la violence physique, elle demeure profondément dommageable pour les victimes et la société.

Elle entretient les stéréotypes, renforce les préjudices, et elle déshumanise les personnes.

De cette manière, elle rend la discrimination plus facile et plus acceptable.

La haine a été monétisée et politisée - elle fait désormais la richesse des entreprises et elle alimente narratif politique à la recherche du pouvoir.

Plusieurs sont prêts à ignorer les préjudices infligés par la haine, car il y a de l'argent à faire et le pouvoir à gagner en l'exploitant.

Ceux et celles qui font la promotion de la haine ont trouvé des alliés au Canada et à travers le monde.

La haine fait partie de campagnes de désinformation orchestrées qui divisent et distraient.

La haine contribue à l'érosion de la confiance envers les institutions publiques et la science.

Les personnes qui propagent la haine déforment également les valeurs des droits de la personne afin de justifier leurs actions.

Ces personnes ont tort.

Soyons clairs : les protections en matière des droits de la personne ne peuvent jamais servir à s'attaquer à d'autres personnes ou justifier un préjudice.

Dans certains cas, la haine se retrouve dans les débats politiques dominants un semblant de crédibilité qui est alarmant.

De cette manière, la haine nous retourne les uns contre les autres et déstabilise notre démocratie.

La haine est une menace pour la démocratie.

Elle étouffe le débat.

Elle réduit au silence et elle décourage les personnes de participer au processus politique.

Nous savons que nous ne sommes pas isolés de ce qui se passe dans le monde.

La haine en ligne n'a pas de frontières. Elle est souvent créée et encouragée par des communautés qui sont connectées dans le monde entier.

Le Canada devrait considérer les événements survenus dans d'autres démocraties comme une sérieuse mise en garde.

La lutte contre la haine nécessitera un régime complet, coordonné et proactif.

Elle doit être audacieuse.

Le Canada doit être perçu comme un leader.

Le rétablissement de l'article 13 n'est pas suffisant.

Combattre la haine en ligne n'appartient pas à une seule organisation; ni aux personnes qui en sont la cible.

Un nouveau régime doit répondre adéquatement aux préoccupations, aux signaux d'alerte et aux recommandations soulevées aujourd'hui.

Ce régime doit comprendre et résoudre les origines de la haine.

Ce régime doit tenir responsables les personnes qui la crée, qui la propage et qui profite de la haine, y compris les compagnies de médias sociaux.

Les plateformes de médias sociaux doivent prouver qu'elles prennent des mesures concrètes et efficaces afin de prévenir les discours haineux et les supprimer immédiatement.

Cela nécessite une surveillance, des vérifications et des sanctions pécuniaires significatives, et inclure des campagnes d'information et de prévention.

Nous savons que cette tâche législative est difficile et complexe.

Elle ne sera peut-être pas parfaite.

Mais elle doit être réalisée.

Les solutions doivent prendre la haine au sérieux.

Elles doivent s'attaquer à la haine pour la véritable menace qu'elle représente : une menace à la sécurité publique; une menace à la démocratie; et une menace aux droits de la personne.

Sans une nouvelle loi complète, la haine continuera de violer les droits de la personne.

Si les Canadiens et Canadiennes ciblés par la haine en ligne doivent vivre leur vie dans la peur et dans un environnement social toxique, nous les laissons tomber.

Sans des protections légales plus fortes, la haine continuera d'envahir et d'influencer le discours public et politique.

Nos enfants nous regardent et apprennent alors que la haine et la désinformation sont normalisées.

Ce qu'ils voient devenir des normes sociales alimentera leur sens du bien et du mal, et guidera leurs comportements alors qu'ils grandissent.

La Commission demeure engagée à combattre la haine sous toutes ses formes au Canada.

Nous sommes prêts à travailler avec les ministres et les parlementaires afin que cette question soit résolue de manière appropriée.

J'encourage chacun et chacune de vous à rester engagés et à participer à la poursuite de nos efforts.

Personne ne peut y parvenir seul.

Nous sommes plus forts ensemble.

Et ensemble, nous sommes plus forts que la haine.

Merci. Soyez en bonne santé et en sécurité.

Date modifiée :