La haine n'a pas de frontières (en réaction à l’attaque perpétrée contre la synagogue Tree of Life, à Pittsburgh)

À la suite de la terrible attaque perpétrée contre la synagogue Tree of Life à Pittsburgh, Marie-Claude Landry, présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, a fait les commentaires suivants dans un éditorial publié dans le Globe and Mail du 28 octobre 2018.

 

En fin de semaine, les Canadiens ont appris avec horreur la nouvelle qu'un homme avait ouvert le feu à la synagogue Tree of Life de Pittsburgh. L’attaque a été qualifiée la plus meurtrière à l’égard des personnes juives ayant jamais eu lieu en sol américain.

Alors que les Canadiens sont encore sous le choc de cette attaque antisémite insensée, certains pourraient essayer d'atténuer leur chagrin en se disant que c'est un problème américain.

Mais la réalité demeure que les sentiments d’antisémitisme, de haine et d'intolérance ne s’arrêtent pas aux frontières. Le fil de haine et d'intolérance qui a amené un homme armé à ouvrir le feu sur des personnes dans leur lieu de culte, fait aussi partie du tissu de la société canadienne actuelle.

L'antisémitisme continue d'être une réalité inquiétante dans la vie des personnes juives vivant au Canada.

En 2018, les incidents antisémites se retrouvent régulièrement dans les manchettes des nouvelles : une croix gammée peinte sur une porte, une pierre tombale endommagée ou détruite, une affiche raciste mise en évidence dans un espace public ou en ligne. Certains pourraient en minimiser l'importance, attribuant ces gestes à des marginaux malavisés qui ne doivent pas être pris aux sérieux. Mais le fait demeure que ceux qui dénoncent publiquement ce genre de haine et d'intolérance au Canada subissent souvent de l’intimidation et même des menaces de mort. De toute évidence, ce n'est pas un jeu.

En fait, Statistique Canada rapporte que les crimes haineux antisémites sont les crimes pour motifs religieux les plus fréquemment signalés à la police.

Au Canada, l'année dernière, la compilation effectuée annuellement par B'nai Brith a enregistré le plus grand nombre d'incidents de harcèlement, de vandalisme et de violence antisémites en 36 ans.

La semaine dernière, Faith Goldy, connue pour sa perspective suprémaciste a recueilli 25 000 voix aux suffrages pour la mairie de Toronto, terminant troisième.

Avec la montée du populisme à travers le monde, et l'Internet qui nous connecte comme jamais, nous assistons à une augmentation de l'insensibilité et de l'intolérance pour les immigrants et les groupes minoritaires.

La rhétorique anti-immigration et les manifestations dans nos rues et en ligne sont de plus en plus présents. Quand ces sentiments sont nourris, ils sèment la division entre nous et peuvent même devenir un enjeu électoral.

C'est une tendance inquiétante pour un pays dont les fondations sont le multiculturalisme, l'inclusion et la diversité.

La dernière fois que le Parlement a mené une vaste étude sur la haine était en 1965. Le Comité Cohen a révélé que : « Même peu nombreux, les individus et les groupes qui propagent la haine au Canada constituent un danger évident et actuel au bon fonctionnement d’une démocratie... »

Après 50 ans, le Canada est un endroit bien différent. Les Canadiens voient les droits de la personne comme le pilier central de l'identité canadienne. Pourtant, malgré des années de progrès vers l'égalité, la haine reste un danger évident et actuel. Nous voyons de plus en plus de haine et d'intolérance envers les gens simplement pour qui ils sont, y compris les peuples autochtones, les musulmans, les femmes, les membres de la communauté LGBTQ2, et les gens de couleur.

Personne n'est à l'abri des dommages causés par la haine.

La haine divise.

Elle se concentre sur nos différences.

La haine déshumanise la personne et érode lentement notre sens de l'empathie et de compassion à l'égard des êtres humains.

La haine est un précurseur de violence.

Elle a inspiré le massacre à la mosquée de Québec. Elle a encouragé un homme à foncer avec sa camionnette sur les piétons à Toronto.

Il est urgent que le Canada se penche de nouveau sur les conséquences désastreuses de la haine. Le monde a changé. Tout le monde a maintenant le pouvoir d'être un diffuseur d’information, de parler plus fort et d’influencer plus de gens que jamais. La menace posée par la haine s’en trouve d’autant amplifiée. Nous devons examiner de près la façon dont elle se transmet et demander des comptes aux personnes qui la propagent.

Aucune forme de haine ne devrait passer inaperçue au Canada. Elle fait  un dommage significatif et même mortel aux personnes qui nous entourent : famille, amis, voisins. C'est un cancer qui attaque la santé et la prospérité de notre société. Qu’elle prenne la forme d’une insulte, d’une affiche, d’un meme en ligne ou d’un incident violent, la haine nous blesse tous.

Ces derniers temps, nous avons vu les Canadiens de tous les milieux se rassembler dans les rues et pour rejeter le racisme, le sexisme et les autres formes de haine de notre société.  J'espère que plus de gens suivront leur exemple. Le silence et l’indifférence nous rendent complices.

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