Présidente devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne concernant le projet de loi S-201

Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique

Notes d’allocution

Marie-Claude Landry, Ad. E.

présidente
Commission canadienne des droits de la personne

Allocution devant le
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
concernant le projet de loi S-201, 
Loi visant à  interdire et à  prévenir la discrimination génétique 

Le 15 novembre 2016

Ottawa, Ontario

 

Monsieur le président, honorables membres du Comité,

Je vous remercie d’avoir invité la Commission canadienne des droits de la personne à  s’exprimer devant votre comité, au sujet du projet de loi S-201, Loi visant à  interdire et à  prévenir la discrimination génétique. 

Je vous présente mes collègues, Fiona Keith, avocate, et Marcella Day, analyste principale des politiques.  

Aujourd’hui, nous désirons présenter trois messages au comité. 

Tout d’abord, nous appuyons le projet de loi S-201 et nous sommes très favorables à  l’ajout de « caractéristiques génétiques » à  la liste des motifs de distinction interdits par la Loi canadienne sur les droits de la personne

Deuxièmement, bien qu’un changement à  la Loi soit une étape positive, il ne peut, à  lui seul, apaiser toutes les préoccupations soulevées par l’usage de l’information génétique. 

Et troisièmement, si le Parlement adoptait une loi solide, progressive et exhaustive pour réglementer efficacement l’usage de l’information génétique, le Canada deviendrait un leader dans le contexte de cet enjeu d’avant-garde. 

Avant de préciser davantage ces trois propos, je voudrais vous parler brièvement du contexte actuel de la discrimination génétique et des lois sur les droits de la personne au Canada. 

Le Parlement a créé la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1977, pour favoriser l’égalité des Canadiens et les protéger face à  la discrimination fondée sur des motifs comme l’âge, le sexe, la déficience ou la race. 

Toutes les provinces et les territoires du Canada ont adopté des lois semblables en matière de droits de la personne. 

Au fil des ans, nos lois sur les droits de la personne ont été mises à  jour pour refléter l’évolution de la société et ses progrès technologiques. 

La recherche génétique est extrêmement prometteuse et progresse rapidement. 

Elle a généré de nouvelles méthodes diagnostiques et thérapeutiques. 

Plusieurs affirment qu’elle révolutionnera les soins de santé. 

Mais au cours de cet examen parlementaire du projet de loi S-201, nous avons appris que certaines personnes évitent les analyses génétiques parce qu’elles ont peur.

Elles ont peur que les analyses qui sont censées les aider soient un jour utilisées contre elles. 

Les gens ont peur de subir de la discrimination — que ce soit par des employeurs, des écoles ou des compagnies d’assurance —en raison de ce que leurs gênes peuvent révéler. 

Dans certains cas, des parents auront à  déterminer s’ils veulent faire subir cette analyse à  leur enfant— en sachant que les caractéristiques de leur enfant les suivront à  l’âge adulte et pourraient les affecter négativement au cours de leur vie. 

Procéder à  une analyse qui peut sauver une vie ne devrait pas devenir un risque d’un autre ordre. 

L’ampleur de l’information personnelle – courante et future -- que révèle l’analyse génétique est extraordinaire. 

Elle s’étend bien au-delà de nos renseignements de santé.
 
À l’avenir, ces analyses apporteront des réponses à  bien d’autres questions. 

Quelles sont mes origines autochtones ?

Ai-je une tendance génétique à  l’anxiété, à  devenir un athlète élite, ou à  devenir un bon leader ? 

Sans règlementation, toute l’ampleur de l’information contenue dans nos gènes pourrait être utilisée, partagée ou obtenue à  notre insu. 

L’information génétique et sa règlementation relèvent d’un nouveau domaine juridique encore inexploré. 

D’autres compétences, comme l’Ontario, étudient la possibilité de légiférer le domaine. 

Toutefois, il n’existe aucune ou bien peu de jurisprudence au Canada, dans ce domaine. 

Nos droits à  cet égard ne sont pas bien définis. 

En février dernier, je me présentais pour la première fois devant un comité parlementaire à  titre de présidente de la Commission canadienne des droits de la personne.
 
C’est ce même projet de loi qui a fait l’objet de mon intervention. 

À cette occasion, j’ai expliqué au Comité sénatorial que la Commission appuyait l’ajout des « caractéristiques génétiques » à  la liste des motifs de distinction interdits par la Loi. 

Ce changement législatif constitue une étape importante et positive en vue de mieux protéger la population canadienne contre la discrimination génétique. 

À l’heure actuelle, la Commission peut accepter les plaintes pour discrimination en raison de caractéristiques génétiques, à  la condition qu’elles soient liées à  un autre motif, comme la déficience. 

L’ajout du motif des « caractéristiques génétiques » à  notre Loi permettrait la soumission de plaintes sans avoir à  les justifier par un autre motif de discrimination. 

Il serait clair pour la population du Canada qu’une personne a le droit à  un traitement équitable sans égard à  ses caractéristiques génétiques ou à  leur choix de se prêter à  l’analyse génétique et d’en partager les résultats. 

Ceci m’amène à  mon second point.

Bien qu’un changement à  la Loi soit une étape positive, il ne peut, à  lui seul, apaiser toutes les préoccupations soulevées par l’usage de l’information génétique 

D’autres intervenants et spécialistes de partout au pays sont du même avis. 

Il existe quand même un besoin très clair d’apaiser les craintes et les préoccupations importantes à  l’égard de la discrimination, comme il avait été discuté lors des délibérations sur ce projet de loi S-201. 

…la peur que les résultats soient utilisés contre la personne  

…la peur pour l’avenir de nos enfants 

Pour arriver à  apaiser ces craintes adéquatement, nous devons envisager une approche concertée à  l’échelle nationale. 

Ce qui m’amène à  mon troisième et dernier point : pour prévenir la discrimination et protéger les Canadiens, nous avons besoin de lois solides, progressives et exchaustives. Leur adoption ferait du Canada un leader dans ce domaine d’avant-garde.

Nous invitons le gouvernement fédéral à  prendre les devants

...en adoptant une loi nationale rigoureuse.

...en rencontrant les gouvernements provinciaux et territoriaux afin d’évaluer la mise en oeuvre des protections les plus efficaces à  l’échelle du pays, pour contrer la discrimination génétique. 

...en consultant les groupes d’intervenants et les commissions des droits de la personne d’un bout à  l’autre du Canada. 

Nous sommes convaincus qu’une concertation nationale sera la meilleure approche pour assurer que les protections des droits de la personne en matière de discrimination génétique soient robustes, progressives et exhaustives. 

En conclusion, je crois que l’analyse de l’information génétique a été mise au point pour nous aider. 

Mais sans protection adéquate au niveau des droits de la personne pour protéger cette information, l’analyse des caractéristiques génétiques pourrait causer plus de mal que de bien. 

Procéder à  une analyse qui peut vous sauver la vie ne devrait pas soulever un risque d’un autre ordre. 

Mes collègues et moi-même ferons de notre mieux pour répondre à  vos questions. 

Merci.

Date modifiée :