Mémoire présenté au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Sujet
International

Présenté à l’occasion de l’étude du 21e au 23e rapports périodiques du Canada - Juillet 2017

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No de catalogue : HR4-118/2024F-PDF
ISBN : 978-0-660-70479-1

Résumé

La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) s’est engagée à travailler avec le gouvernement du Canada afin de garantir l’évolution continue de la protection des droits de la personne, notamment la mise en œuvre des droits et obligations du Canada qui sont inscrites dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. C’est dans cet esprit d’engagement constructif que la CCDP dépose le présent rapport au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Comité), à l’occasion de l’étude du 21e au 23e rapports périodiques du Canada.

Données sur les droits à l’égalité (article 5)

La CCDP a présenté les données de ses rapports sur les droits à l’égalité des Autochtones et des minorités visiblesNote de bas de page 1. Ces données ont confirmé l’existence des obstacles confrontés par les deux groupes au Canada en matière d’emploi, d’éducation, de soin de santé, de logement et des autres besoins fondamentaux. La CCDP a également noté les préoccupations concernant l’actuel régime d’équité en matière d’emploi au Canada. Par exemple, le régime actuel prend compte seulement des emplois sous réglementation fédérale, les estimations de la disponibilité sur le marché du travail reposent en général sur des données périmées et il n’est pas certain que la désignation des 4 groupes, soit les femmes, les personnes handicapées, les minorités visibles et les Autochtones, à l’article 3 de la LEE, continue d’être pertinente.

Recommandation 1 :

Que le Canada effectue un examen exhaustif de l’actuel régime d’équité en matière d’emploi et qu’il apporte les modifications nécessaires pour accroître la représentation des personnes racisées et des peuples autochtones dans la population active.

Peuples autochtones

La CCDP considère la situation des peuples autochtonesNote de bas de page 2 du Canada comme l’un des enjeux les plus pressants en matière de droits de la personne auxquels le Canada soit confronté aujourd’hui. La CCDP a noté les contributions de la Loi sur les Indiens à la discrimination et les inégalités auxquelles sont confrontés les peuples autochtones dans tout le Canada. La CCDP a exhorté le Canada de reconnaître l’importance de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et d’élaborer un plan de mise en œuvre en consultation avec les peuples autochtones. La CCDP a également souligné les recommandations du Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) du Canada.

Recommandation 2 :

Que le Canada élabore une stratégie concrète et précise pour mettre en œuvre les 94 appels à l’action de la CVR, y compris la mise en œuvre de la DNUDPA, en consultation avec les peuples autochtones.

La CCDP a noté également les formes uniques de discrimination et de violence confrontées par les filles et les femmes autochtones. Elle a également souligné les préoccupations avec la mise en œuvre de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées du Gouvernement du Canada incluant l’incapacité de fournir des rapports d’étape réguliers et d’établir des relations transparentes et responsables avec les familles, les survivantes et les intervenants externes.

Recommandation 3 :

Que le Canada adopte une approche fondée sur les droits de la personne pour mener son enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Cette approche devrait examiner la question de façon globale et holistique, faire ressortir les obstacles à l’égalité et leurs causes profondes, recommander des solutions durables et établir un moyen de suivre les progrès réalisés dans ces domaines. Pour assurer sa crédibilité, l’enquête doit garantir l’accès, la participation et l’autonomisation des femmes et des filles autochtones qui ont survécu à la violence, et elle doit les traiter non seulement comme des victimes, mais aussi comme des détentrices de droits indépendantes.

La CCDP a noté les préoccupations concernant les obstacles uniques à la justice en matière de droits de la personne pour les personnes autochtones, en particulier l’article 67 de la Loi canadienne des droits de la personne (LCDP), qui avant son abrogation en 2008, a empêché des personnes de déposer des plaintes pour discrimination découlant de l’application de la Loi sur les Indiens. La CCDP a noté également qu’une série de tables rondes au pays avec des intervenants autochtones a révélé 21 obstacles à la justice confrontée par les femmes et les filles autochtones et s’est engagée à un suivi pour améliorer l’accès a ses processus pour ce groupe, en même fois exhortant le gouvernement à prendre des mesures pour éliminer ces obstacles.

Recommandation 4 :

Que le Canada élabore une stratégie concrète et précise afin de s’attarder à la question de l’accès à la justice pour les peuples autochtones en général et pour les femmes autochtones en particulier.

La CCDP a noté également les préoccupations concernant le manque d’accès aux services de santé, d’éducation et d’autres services de qualité confronté par plusieurs communautés de Premières Nations. Un manque de précisions au sujet des niveaux de service, l’absence de fondement législatif, l’absence d’un mécanisme de financement approprié, l’absence d’organismes qui pourraient appuyer la prestation des services locaux et les conflits entre les fournisseurs de services fédéraux et provinciaux contribuent aux limites et aux échecs de la prestation de services. La CCDP a noté également les obstacles intersectionnels confrontés par les personnes autochtones en situation de handicap en particulier et a encouragé la consultation avec les peuples et les communautés autochtones visant à régler et éliminer les obstacles.

Recommandation 5 :

Que le Canada élabore une stratégie concrète et précise pour s’assurer que les services offerts aux personnes autochtones dans les communautés des Premières Nations, y compris les personnes autochtones en situation de handicap, sont équitables et convenables.

Recommandation 6 :

Que le Canada applique le principe de Jordan d’une manière non discriminatoire, qui n’entraîne pas le refus de services aux enfants des Premières Nations.

Recommandation 7 :

Que le Canada consulte sérieusement les Premières Nations, les Métis et les Inuits pendant l’élaboration de la loi sur l’accessibilité afin de s’assurer que les personnes autochtones en situation de handicap ont accès aux services essentiels. Le Canada devrait également s’assurer que les communautés des Premières Nations disposent de ressources suffisantes pour s’acquitter de leurs responsabilités en vertu de la nouvelle loi.

La CCDP a souligné les préoccupations que les personnes autochtones continuent d’être gravement désavantagées dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels importants, ce qui entraîne des niveaux élevés de pauvreté, de logements inadéquats, de l’insécurité alimentaire, de l’eau potable insalubre et un manque d’assainissement. Les préoccupations en matière de logement en particulier ont atteint un point critique parmi les populations autochtones. La CCDP a noté également que le développement non durable, y compris l’exploitation des ressources, avait entraîné des répercussions importantes sur certaines réserves des Premières Nations, ce qui a contribué à un manque d’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires convenables. Les communautés autochtones du Nord étaient particulièrement vulnérables aux répercussions des changements climatiques.

Recommandation 8 :

Que le Canada élabore une stratégie concrète et précise pour régler de toute urgence la situation du logement dans les réserves des Premières Nations.

Recommandation 9 :

Que le Canada collabore avec les communautés autochtones afin de promouvoir le développement durable en établissant un équilibre entre le bien-être environnemental, social et économique et en tenant dûment compte du droit des peuples autochtones au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

La CCDP a noté les préoccupations concernant la discrimination historique confrontée par les femmes et les enfants dans la Loi sur les Indiens. La CCDP a amplifié les appels au gouvernement du Canada de modifier ou de remplacer les dispositions controversées de la Loi sur les Indiens définissant qui est reconnu comme étant un « Indien inscrit ».

Recommandation 10 :

Que le Canada prenne toutes les mesures nécessaires pour s’assurer qu’il n’existe pas de discrimination résiduelle dans le système d’inscription des Indiens.

Recommandation 11 :

Que le Canada examine la Loi sur les Indiens en consultation avec les Premières Nations et qu’il la remplace par un cadre législatif approprié.

Questions liées à la justice et à la sécurité

La CCDP a noté les préoccupations persistantes au sujet de la réalité quotidienne du profilage racial par la police, les organismes de sécurité et d’autres autorités, ce qui réduit la confiance dans les institutions publiques et a des répercussions néfastes sur les communautés autochtones, noires, musulmanes et autres. La CCDP a recommandé que le Parlement adopte une loi établissant un régime de reddition de comptes pour les organismes de sécurité, ce qui doit comprendre une surveillance indépendante, des exigences relatives à la collecte et à l’analyse des données fondées sur les droits de la personne, et la diffusion publique de ces renseignements.

Recommandation 12 :

Que le Canada s’assure que tous les organismes de sécurité font l’objet d’une surveillance indépendante appropriée. La composition de ces organismes doit être représentative du principe du pluralisme, par exemple, en incluant des membres des communautés racisées, des personnes autochtones, des personnes en situation de handicap et des personnes 2ELGBTQQIA+, et en établissant un juste équilibre entre les sexes.

Recommandation 13 :

Que le Canada exige que tous les organismes de sécurité recueillent et analysent des données fondées sur les droits de la personne relativement à leurs activités et qu’ils rendent compte publiquement de leur rendement.

La CCDP a noté également les préoccupations persistantes liées au système correctionnel fédéral. Cela inclut la surreprésentation de certains groupes (en particulier les personnes noires et autochtones) et les facteurs à l’origine de cette surreprésentation (par exemple, le désavantage et la discrimination historique systémique). La CCDP a exhorté le gouvernement à prendre d’action pour répondre à ces causes à l’origine et à mettre en œuvre les appels à l’action de la CVR, ainsi que d’envisager de quelle manière les principes de prévention qu’il renferme peuvent aider à mieux comprendre la surreprésentation des autres communautés dans des situations de vulnérabilité.

Recommandation 14 :

Que le Canada élabore une stratégie concrète et holistique pour s’attaquer de toute urgence à l’incarcération excessive des personnes noires et des personnes autochtones.

Recommandation 15 :

Que le Canada fournisse la formation et les ressources nécessaires pour s’assurer que les dispositions actuelles sur la détermination de la peine et les solutions de rechange à l’incarcération des personnes autochtones sont mieux comprises et appliquées de manière uniforme.

Recommandation 16 :

Que le Canada mette pleinement en œuvre les appels à l’action de la CVR en ce qui concerne le système de justice pénale.

La CCDP a noté également les préoccupations concernant les conditions de détention pour les groupes vulnérables, en particulier les détenus noirs et autochtones, ainsi que les détenus ayant des problèmes de santé mentale. Comme pour la surreprésentation, des facteurs complexes et qui se recoupent sous-tendent les réalités susmentionnées, comme la culture institutionnelle et un manque de ressources suffisantes.

Recommandation 17 :

Que le Canada restreigne effectivement le recours à l’isolement à des situations exceptionnelles, en dernier recours et pour les périodes les plus courtes qui soient, conformément aux Règles Mandela. Par ailleurs, étant donné ses effets préjudiciables prouvés sur la santé mentale, le Canada devrait abolir l’isolement des détenus ayant des problèmes de santé mentale. Enfin, puisque la très grande majorité des femmes incarcérées dans des établissements fédéraux ont vécu une expérience traumatisante antérieure et ont des problèmes de santé mentale non définis, le Canada devrait imposer immédiatement un moratoire sur le recours à l’isolement pour les femmes détenues dans les prisons fédérales.

Recommandation 18 :

Que le Canada établisse des objectifs d’embauche au SCC qui représentent mieux la diversité de la population carcérale.

Recommandation 19 :

Que le Canada élabore une stratégie concrète et précise pour s’assurer que des programmes et des services appropriés et adaptés à la culture sont offerts à tous les détenus, et en particulier aux détenus noirs et autochtones.

Recommandation 20 :

Que le Canada élabore une stratégie concrète et précise pour accroître la capacité et l’efficacité du traitement et des programmes destinés aux détenus ayant des problèmes de santé mentale.

La CCDP a noté les préoccupations concernant la situation des détenus migrants. Les détenus migrants qui ne purgent pas une peine au criminel sont souvent détenus dans des établissements destinés aux populations criminelles avec un accès limité aux services. Dans certains cas, ça peut inclure les enfants qui sont souvent détenus avec des membres adultes de leur famille qui sont détenues pour des raisons liées à l’immigration. La CCDP a fait écho aux recommandations qui ont été formulées par les défenseurs et organismes de la société civile concernant les conditions dans les centres de détention et qui défendent la surveillance et la supervision indépendantes de cette pratique. La CCDP a noté également que de nombreux détenus migrants ne parviennent pas à dûment revendiquer leurs droits, et a encouragé l’extension des mesures de protection des droits de la personne sous la LCDP à toutes les personnes qui se présentent au Canada, légalement ou non.

Recommandation 21 :

Que le Canada établisse un régime de surveillance indépendant de la détention des migrants.

Recommandation 22 :

Que le Canada s’assure que les détenus migrants ont accès aux mesures de protection des droits de la personne sur un pied d’égalité avec toutes les autres personnes présentes au Canada, notamment en abrogeant les paragraphes 40(5) et 40(6) de la LCDP.

Recommandation 23 :

Que le Canada veille à ce que cette loi repose sur une infrastructure appropriée, y compris la collecte de données exhaustives et indiquées, des politiques et des programmes sociaux, ainsi que des évaluations.

Personnes trans et de diverses identités de genre

La CCDP a noté que les personnes autochtones et racisées trans, de diverses identités de genre et bispirituelles au Canada sont victimes de plusieurs formes de discrimination qui se recoupent. La CCDP a félicité le gouvernement d’avoir adopté une loi visant à ajouter « l’identité ou l’expression de genre » à la liste des motifs de distinction illicite inscrits dans la LCDP.

Recommandation 24 :

Que le gouvernement fédéral et les entités sous réglementation fédérale adoptent des politiques et des pratiques qui correspondent à la nouvelle loi, en tenant compte de la situation particulièrement vulnérable des personnes autochtones et racisées trans et de diverses identités de genre.

Recommandation 25 :

Que le Canada commandite et/ou appuie d’autres recherches et/ou dialogues afin de mieux comprendre le problème de la discrimination à l’endroit des personnes trans et de diverses identités de genre, notamment les causes et les effets particuliers de la discrimination sur les personnes autochtones et racisées trans et de diverses identités de genre.

Protection du statut économique et social

La CCDP a noté les situations vulnérables dont plusieurs membres des communautés racisées sont confrontés en raison de formes multiples et croisées de désavantages socioéconomiques. La CCDP appui l’ajout d’un motif de discrimination à la LCDP pour répondre à ces lacunes et pour mieux représenter la réalité de la discrimination vécue par les personnes dans les situations vulnérables.

Recommandation 26 :

Que le Canada ajoute un motif approprié à la LCDP pour protéger les personnes contre la discrimination fondée sur leur statut économique et social.