Quelles excuses les futurs Premiers ministres du Canada devront-ils présenter ?

Ce dimanche, le monde entier va célébrer la Journée internationale pour les droits de l'homme.  En 1948, après avoir été témoins des plus inhumaines tragédies des temps modernes, les nations du monde entier ont réagi de la seule façon qu'ils croyaient appropriée – soit en codifiant leur promesse à l'humanité de respecter les valeurs fondamentales de l'égalité, de la justice et de la dignité humaine. C’est ainsi qu’a été écrite la Déclaration universelle des droits de l'homme. Elle n'était pas une excuse, en soi, mais une reconnaissance des horreurs du passé et une promesse de ne jamais les répéter. 

Cependant, les principes énoncés dans la déclaration demeurent un vœu pieux pour trop de gens dans le monde, et osons le dire, pour beaucoup trop, ici même au Canada.  C'est un message difficile à entendre et à croire. Après tout, nous avons un gouvernement qui a récemment reconnu l'impact dévastateur de la persécution et la discrimination contre les communautés LGBTQ2. Les excuses de la semaine dernière avaient une importance historique et sont venues s’ajouter à d’autres excuses qu’il a fallu attendre trop longtemps - les excuses aux peuples autochtones pour les pensionnats indiens et les abus systémiques, aux  Canadiens d'origine japonaise pour l'internement et aux Canadiens d'origine chinoise pour la discrimination à leur égard.  

Ces excuses sont une reconnaissance des torts du passé. Mais qu'en est-il des erreurs du futur - ou même actuels ? Quelles mesures doit-on mettre en place aujourd'hui pour éviter les excuses de l'avenir ?  Qui recevra ces excuses, dans 10, 20 ou 30 ans ?

Les excuses de l'avenir pourraient être destinées aux descendants de personnes qui ont émigré au Canada, en rêvant d’une vie meilleure, mais ont été détenues comme des criminels dans nos centres de détention de l'immigration. 

Les excuses de l'avenir pourraient être destinées aux familles des femmes et des filles autochtones, dont la disparition ou le meurtre n'ont jamais fait l’objet d’enquête ou de résolution, ni même de rapport par la police fédérale. 

Ces excuses de l'avenir pourraient être destinées aux adultes-survivants de notre système de protection de l'enfance dans les réserves des Premières Nations. Ces enfants devenus adultes ont dû être séparés de leur famille et ont grandi dans une famille d'accueil en raison de l'absence de financement et d'appui suffisants. 

Et peut-être, l'excuse de l'avenir que nous devons travailler le plus ardemment à  éviter,  est celle aux peuples autochtones partout au Canada, adultes et enfants, qui vivent dans la pauvreté et l'isolement, sans eau potable ni logement adéquat.   

Ce dimanche, alors que nous célébrons et reconnaissons les progrès réalisés en près de 70 ans depuis l'adoption de la Déclaration de l'ONU, rappelons-nous surtout que le travail pour protéger la dignité humaine et l'égalité n'est pas terminé. La tâche requise pour éviter de futures excuses est loin d'être terminée.  

Une partie de ce travail important est de réaliser que la dignité humaine et l'égalité peuvent ressembler à un simple verre d’eau potable, ou une maison qui n’est pas salubre à cause de moisissure.  Que l'accès à un logement convenable est, comme le premier ministre Trudeau a récemment reconnu, « un besoin fondamental - un droit humain. » La Commission canadienne des droits de la personne endosse vigoureusement l'affirmation du premier ministre, et que le rapporteur spécial de l'ONU sur le droit au logement, Leilani Farha, a appelé « un véritable moment historique. » 

Ce que tous les citoyens des milieux urbains envisageraient comme un droit fondamental, le droit à un logement sécuritaire et une eau propre à la consommation sont refusés à de nombreuses communautés autochtones au Canada. Une multitude de raisons sont invoquées pour justifier cet état de fait : les communautés sont trop loin, l'infrastructure nécessaire est trop complexe, les investissements requis sont hors de prix. Cependant, l'une des plus importantes raisons pour lesquelles les solutions se font attendre, c'est qu’encore aujourd’hui, trop peu d’entre nous voient ces questions comme des droits de la personne.  

Si nous voulons continuer à faire partie des chefs de file mondiaux en matière de droits de l'homme, et si nous voulons éviter les excuses de demain, nous devons travailler à ce que tout le monde ait accès à la protection des droits de la personne — que tout le monde ait une voix — remplir la promesse née de la Déclaration universelle. Le Canada doit continuer à élargir sa compréhension des droits de la personne et prendre des actions concrètes afin d’éviter les excuses de l’avenir, et ce, avant qu'il soit trop tard.

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