Prévention et règlement des incidents de harcèlement et de la violence en milieu de travail

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Milieu de travail

Guide pour aider les employeurs sous réglementation fédérale à élaborer une approche fondée sur les droits de la personne pour prévenir et le règlement des incidents de harcèlement et la violence en milieu de travail, et à respecter leurs obligations en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code canadien du travail.

No de catalogue : HR4-106/1-2023E-PDF

ISBN : 978-0-660-68420-8

Table des matières

Introduction

Le harcèlement, sous quelque forme que ce soit, a un effet négatif sur le milieu de travail. Lorsqu’il est lié à un ou à plusieurs des motifs de distinction illicite inscrits dans la LCDP, il constitue également une forme grave de discrimination.1 Le harcèlement crée des obstacles systémiques à l’égalité en matière d’emploi. Les employeurs doivent prendre des mesures pour s’assurer qu'il n'y a pas de harcèlement dans leur milieu de travail. S’ils ne prennent pas les mesures nécessaires pour prévenir, repérer et éliminer le harcèlement en milieu de travail, les employeurs peuvent être tenus responsables sur les plans tant juridique que financier.

Le présent guide a pour but d’aider les employeurs sous réglementation fédérale à élaborer une approche fondée sur les droits de la personne pour prévenir et le règlement des incidents de harcèlement et la violence en milieu de travail, et à respecter leurs obligations en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP) et du Code canadien du travail (le Code). Les renseignements fournis dans le présent guide visent à aider les employeurs sous réglementation fédérale à comprendre leurs responsabilités dans la création et le maintien d’un environnement de travail sans harcèlement ni violence. Cela dit, les employeurs doivent également consulter la LCDP, le Code, le Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail (le Règlement) et toute convention collective applicable pour s’assurer qu’ils respectent toutes leurs obligations légales qui les concernent.

Des conseils supplémentaires sur les procédures à suivre pour respecter les obligations de l’employeur en vertu du Règlement se trouvent dans les documents publiés par le gouvernement du Canada sous les titres Exemple de guide de l’utilisateur pour la prévention du harcèlement et de la violence et Exemple de politique de prévention du harcèlement et de la violence.

Le fait de subir du harcèlement et de la violence en milieu de travail peut causer des répercussions psychologiques, émotionnelles et physiques importantes et durables aux personnes touchées. Le harcèlement et la violence en milieu de travail créent des obstacles systémiques à l’égalité en matière d’emploi. Ils peuvent avoir des conséquences profondes sur la dignité d’une personne et nuire à sa capacité à gagner sa vie, à se sentir en sécurité et à faire partie intégrante de la société. Ils peuvent avoir un effet négatif sur la productivité et le moral et entraîner une augmentation du roulement du personnel, de l’absentéisme et des coûts des soins de santé. Pour les employeurs, cette situation est à la fois coûteuse et dommageable pour le milieu de travail. Le fait d'avoir une politique efficace pour prévenir et éliminer le harcèlement et la violence en milieu de travail n’est pas seulement une obligation légale, c’est aussi une question de bon sens économique et de bien-être au travail

Harcèlement

Le harcèlement, c’est lorsque quelqu’un dit ou fait quelque chose qui offense ou humilie une autre personne. En général, la personne qui harcèle doit dire ou faire ces choses offensantes à plusieurs reprises, mais un incident grave et isolé peut également être du harcèlement.2 Le harcèlement peut être direct ou indirect, évident ou subtil, physique ou psychologique. Il peut se manifester de nombreuses façons, notamment par des mots prononcés, des messages écrits, des gestes et des images. 

Même si une personne n’a pas harcelé quelqu’un volontairement (en ayant l'intention de le faire), son comportement peut quand même constituer du harcèlement. La question est de savoir si une personne raisonnable aurait su que le comportement en question n'était pas approprié.

Sans s'y limiter, les exemples de harcèlement en milieu de travail peuvent inclure :

  • créer un environnement de travail toxique (par exemple, tolérer des commentaires ou des comportements hostiles, insultants ou dégradants);
  • répandre des rumeurs ou des potins à propos d’une personne ou d’un groupe;
  • faire des blagues ou des remarques offensantes;
  • faire de la cyberintimidation (autrement dit menacer, répandre des rumeurs ou parler négativement d’une personne en ligne);
  • proférer des menaces en personne, par téléphone, par courriel ou par un autre moyen contre une travailleuse ou un travailleur3 (y compris de la part de personnes non associées au lieu de travail, comme une conjointe, un conjoint ou un membre de la famille, lorsque l’incident se produit au cours du travail ou nuit à la sécurité du lieu de travail);
  • jouer des tours non désirés;
  • exclure ou isoler socialement une personne;
  • traquer ou suivre une personne de manière inappropriée;
  • trafiquer ou modifier l’équipement de travail ou les effets personnels d’une personne;
  • vandaliser ou cacher des effets personnels ou du matériel de travail;
  • empêcher délibérément une personne de faire son travail, peu importe le moyen utilisé;
  • critiquer, miner, rabaisser, humilier ou ridiculiser constamment une personne;
  • se mêler de la vie privée d’une personne;
  • ridiculiser ou réprimander une personne en public;
  • provoquer des contacts physiques déplacés;
  • faire des insinuations ou des sous-entendus à caractère sexuel;
  • faire des invitations ou des demandes non désirées et inappropriées, y compris de nature sexuelle;
  • montrer ou diffuser des affiches, des caricatures, des images ou d’autres éléments visuels offensants;
  • faire des gestes agressifs, menaçants ou grossiers;
  • abuser de son pouvoir, comme :
    • changer constamment les directives de travail,
    • ne pas diffuser de l’information,
    • fixer des délais impossibles qui entraîneront un échec,
    • refuser arbitrairement des demandes de congé, de formation ou de promotion;
  • faire des microagressions ou poser des actes subtils d’exclusion.

L'intention n'est pas pertinente pour conclure que c'est du harcèlement – un cas vécu

Un travailleur autochtone a allégué subir du harcèlement en raison des commentaires, des farces et des surnoms racistes de la part de ses superviseurs et de ses collègues. Certains témoins ont affirmé que, même si des blagues ou des commentaires de ce genre ont été faits, ce n'était que dans le but de s’amuser entre amis, sans aucune intention d’offenser. Le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) a conclu que l’intention derrière les commentaires n’est pas pertinente, puisque « le point essentiel est la perception qu’en a la personne qui est victime. »

L’absence d’objections aux commentaires, voire la participation aux « plaisanteries », a été invoquée comme moyen de défense. Le Tribunal a estimé que cela ne signifiait pas que la victime avait consenti aux commentaires, aux farces et aux surnoms racistes ou rendu ce comportement acceptable. Selon le témoignage d’un expert, des personnes peuvent accepter « des activités qu’elles trouvent répréhensibles et avilissantes parce qu’elles se sentent impuissantes à y mettre fin, et qu'elles se trouvent ainsi à réagir par un mécanisme de défense de leur ego »… c’est « une forme d’adaptation » (Swan c. Forces armées canadiennes).


Les microagressions sont des remarques, des indignités, des rabaissements et des insultes qui sont commis de manière brève, indirecte et quotidienne et qui communiquent des attitudes discriminatoires envers les membres de groupes méritant l'équité. Intentionnelles ou non, elles peuvent être comportementales, verbales ou environnementales. Les personnes qui les subissent peuvent se sentir mal à l’aise, malvenues, insultées ou stigmatisée comme étant « l'autre » et se rappeler douloureusement les stéréotypes associés à leur identité. Par exemple, des microagressions racistes peuvent être, entre autres, le fait de demander avec insistance à une personne racisée d’où elle vient vraiment, de complimenter une personne racisée sur la qualité de son français ou de serrer plus fort son sac en présence d’un homme noir. Les microagressions fondées sur le sexe ou le genre peuvent renforcer les rôles traditionnels fondés sur le genre qui prévalent dans le milieu de travail, comme les privilèges accordés aux hommes et la dominance masculine. Ces microagressions peuvent prendre la forme de commentaires sur l'apparence d'une femme, des commentaires dégradants sur les capacités d'une femme et des suppositions sur l'infériorité des femmes dans certains domaines. Tous ces exemples démontrent des attitudes hostiles, diffamatoires ou négatives envers les femmes. Même s’il n’y a pas d’intention consciente de blesser une personne, les microagressions causent quand même du tort et leurs effets préjudiciables sont cumulatifs puisque les personnes visées subissent ces microagressions à répétition dans leur quotidien.

Autant la LCDP que le Code protègent les travailleuses et les travailleurs sur le lieu de travail.

La LCDP interdit le harcèlement dans l’emploi et dans la prestation de services fondé sur un ou plusieurs de ses 13 motifs de distinction illicite.

Le Code protège également les travailleuses et les travailleurs contre le harcèlement, y compris le harcèlement qui n’est pas lié à un motif de distinction illicite, comme la violence conjugale. Le Code définit le harcèlement et la violence au paragraphe 122(1) :

Harcèlement et violence – Tout acte, comportement ou propos, notamment de nature sexuelle, qui pourrait vraisemblablement offenser ou humilier [un travailleur ou une travailleuse] ou lui causer toute autre blessure ou maladie physique ou psychologique, y compris tout acte, comportement ou propos réglementaire.

Le harcèlement en milieu de travail ne comprend pas les mesures de gestion appropriées (comme les évaluations de rendement, les directives et les attributions de tâches) si celles-ci sont effectuées équitablement pour des raisons légitimes. Toutefois, une mesure de gestion qui a un effet négatif et qui est fondée sur un motif de distinction illicite peut constituer une forme de harcèlement ou de discrimination. Par exemple, il s’agit d’une pratique discriminatoire si une gestionnaire ou un gestionnaire décide, en raison de la race d’une personne, de l'affecter à une tâche ou à un quart de travail moins intéressants.

Harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel est défini au sens large comme un comportement importun de nature sexuelle susceptible d’offenser ou d’humilier une travailleuse ou un travailleur. Il s’agit d’une pratique dégradante qui porte atteinte à la dignité et au respect de soi de la victime, à la fois en tant que travailleuse ou travailleur qu’en tant qu’être humain. 

Le harcèlement sexuel peut revêtir de nombreuses formes et viser n’importe quel sexe, y compris les hommes, les femmes, les personnes trans, les personnes non binaires ou les personnes de diverses identités de genre.

Sans s'y limiter, les exemples de harcèlement sexuel peuvent inclure :

  • un contact physique inutile ou non désiré;
  • des questions persistantes, des insinuations ou la diffusion de commérages sur la vie privée d’une personne, comme sa sexualité, son identité ou expression de genre ou sa vie sexuelle;
  • des insultes ou des commentaires dévalorisants concernant le sexe ou le rôle de la personne;
  • le fait de regarder fixement une personne ou des parties de son corps;
  • le fait de traiter une personne différemment parce qu’elle ne se conforme pas au rôle qu'on attend d'elle en fonction de son sexe ou de son genre, comme un rôle traditionnellement occupé par l'autre sexe ou un autre genre; 
  • des invitations répétées à sortir, même si la personne a déjà refusé une telle invitation;
  • des commentaires de nature clairement sexuelle ou des blagues sexistes; 
  • le fait de montrer ou de diffuser des graphiques, des dessins, des courriels, des messages texte, des lettres ou des commentaires offensants;
  • des promesses ou des menaces pour obtenir des faveurs sexuelles; 
  • la création ou le maintien d’un environnement malsain, où les travailleuses et les travailleurs doivent tolérer ou subir des moqueries généralisées liées au sexe ou au genre dans le cadre de la culture du milieu de travail; 
  • tout autre comportement qui pourrait raisonnablement donner à penser que des conditions de nature sexuelle sont rattachées à l’emploi ou aux possibilités d’emploi d’une personne.

Milieu de travail empoisonné

Le concept de milieu de travail empoisonné est étroitement lié au concept de harcèlement discriminatoire, et est de nature systémique. Un environnement de travail empoisonné est un environnement dans lequel des commentaires, des actes ou des microagressions insultants ou dégradants donnent aux personnes ou aux groupes le sentiment que le milieu de travail est hostile ou peu accueillant. Lorsque des commentaires ou des comportements de ce type ont une influence sur les autres et sur la façon dont ils sont traités, on parle d’un environnement empoisonné.

Un milieu de travail empoisonné a comme caractéristique essentielle de toucher plus d’une personne et d'avoir des répercussions sur ce nombre de personnes de sorte qu’il peut être considéré comme une pratique. Il a un effet dommageable sur les possibilités d’emploi, en particulier pour les travailleuses et travailleurs présentant les caractéristiques communes visées par le comportement.


Les effets dommageables d’un milieu de travail empoisonné sont empirés par l’indifférence et l’inaction de la direction. Il est dans l’intérêt de toute organisation de traiter rapidement tout symptôme d’un milieu de travail empoisonné avant que le problème devienne plus grave.


Violence en milieu de travail

La violence en milieu de travail comprend des actes, des comportements, des menaces ou des gestes dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils causent un préjudice, une blessure ou une maladie. La violence peut inclure, sans s’y limiter, le fait de poser ou de tenter de poser les gestes suivants :

  • des menaces verbales ou de l’intimidation;
  • des agressions verbales, y compris des jurons ou des cris visant à offenser une personne;
  • des contacts de nature sexuelle;
  • des coups de pied ou de poing, des crachats, des égratignures, des morsures, des étreintes, des pincements, des bousculades, des coups ou des blessures peu importe la manière utilisée;
  • des attaques ou des menaces d’attaquer quelqu’un avec n’importe quel type d’arme.

Application d'une approche fondée sur les droits de la personne

Il est important que les organisations appliquent une approche fondée sur les droits de la personne au moment d'élaborer des politiques, des procédures et du matériel de formation pour prévenir et traiter les incidents tout en maintenant un milieu de travail où il n'y a pas de harcèlement ni de violence. Fondamentalement, une approche fondée sur les droits de la personne consiste à considérer une travailleuse ou un travailleur comme étant d'abord une personne, à faire passer la personne avant le processus, à voir les facteurs intersectionnels qui ont contribué à l’expérience vécue par la personne et à comprendre comment l’expérience vécue par la personne l’a amenée là où elle est. 

Les principes qui soutiennent une approche fondée sur les droits de la personne sont les suivants.

Participation et inclusion

Toute personne a le droit de participer et d’avoir accès aux renseignements relatifs aux décisions qui influent sur sa vie et son bien-être. Les approches fondées sur les droits exigent un degré élevé de participation des personnes concernées. Lors de l’élaboration ou de la mise à jour des politiques et des procédures d’emploi, il est important de mobiliser et de consulter un groupe représentatif de travailleuses de travailleurs et de cadres qui reflète les identités intersectionnelles d’une main-d’œuvre diversifiée.


Les conséquences positives d’un processus inclusif

À la suite d’un grave incident de harcèlement en milieu de travail, un employeur a entrepris une révision complète de sa politique de prévention et de règlement des incidents de harcèlement et de la violence en milieu de travail. Dans un premier temps, l’employeur a invité la totalité de ses travailleuses et travailleurs à répondre à un sondage anonyme pour recueillir leurs points de vue sur la culture du milieu de travail. Les travailleuses et les travailleurs ont eu le temps de répondre au sondage pendant leurs heures de travail. En faisant un suivi après le sondage, l’employeur les a invités à participer à des séances animées où on leur proposerait de parler de leurs expériences et de donner leurs points de vue. L’employeur a également proposé des séances confidentielles dirigées par une facilitatrice ou un facilitateur pour les personnes qui ne se sentaient pas à l’aise d’exprimer leurs préoccupations en public. Grâce à cette approche collaborative, la confiance des travailleuses et travailleurs a été restaurée, les collègues ont sentis avoir créé des liens plus étroits les uns avec les autres et avec leur milieu de travail, et l’employeur a obtenu de précieux renseignements pour reformuler une politique solide et sensible, adaptée aux divers besoins de ses travailleuses et travailleurs.


Obligation de rendre des comptes

Un employeur est responsable de la réalisation des droits de la personne de ses travailleuses et travailleurs. En ce qui a trait aux droits de la personne, l’employeur est « le responsable d'obligations » et la travailleuse ou le travailleur est « l'ayant droit ». En tant que responsable d'obligations, l’employeur doit respecter les lois et les normes applicables. Si l'employeur ne le fait pas, les travailleuses et les travailleurs (en tant qu'ayants droit) peuvent demander réparation et dédommagement par différents moyens (procédures de réclamation, plaintes de violation de leurs droits de la personne, etc.). Une obligation de rendre des comptes signifie notamment qu'il faut faire le nécessaire pour que les travailleuses et les travailleurs sachent comment faire valoir leurs droits, exiger la protection de ces droits et demander réparation en cas de violation de ces droits. 


L’employeur en tant que responsable d’obligations

Un travailleur autochtone dans un milieu de travail essentiellement blanc se sent déprimé, anxieux et découragé par le fait que ses collègues utilisent fréquemment des stéréotypes négatifs sur les Autochtones. Le travailleur ne sait pas où s’adresser pour signaler ce milieu de travail empoisonné et ne se sent pas en sécurité de s’exprimer. Les témoins qui ressentent la douleur et le malaise de leur collègue ne savent pas non plus comment aborder leurs préoccupations. L’entreprise ne dispose pas de politiques et de procédures claires et établies sur la manière de prévenir et de régler le harcèlement en milieu de travail. Les employeurs de ce genre ne respectent pas leur obligation légale de prévenir et de régler des incidents de harcèlement et la violence en milieu de travail. En plus de risquer de se bâtir une mauvaise réputation professionnelle, ils risquent également de perdre des travailleuses et des travailleurs qui ont du talent et de la détermination.


Égalité réelle

Lorsqu’un employeur élabore, met en œuvre et applique des politiques et des procédures dans le milieu de travail, il doit considérer en priorité l’égalité et la dignité de l'ensemble des travailleuses et des travailleurs. Cela signifie qu’il doit s’arrêter et envisager comment les différentes expériences vécues par les personnes peuvent influer sur la manière dont une politique ou une procédure dans le milieu de travail les touche. Il est important d’évaluer et de prendre en compte la manière dont l’accès aux politiques et aux procédures, la façon de s’y identifier et la confiance envers elles peuvent varier parmi les travailleuses et travailleurs en fonction de leurs diverses identités et expériences vécues.


Exemple d’égalité réelle et d’accès concret

L’expérience d’un homme blanc cisgenre dans le milieu de travail sera très différente de celle d’une femme racisée, et l’employeur doit rester attentif à ces disparités au moment d'appliquer une politique ou une pratique dans le milieu de travail. En effet, la femme racisée est plus susceptible d’avoir été victime de discrimination individuelle et systémique dans de nombreuses facettes de sa vie, ainsi que d’obstacles systémiques à la justice, d’expériences de stéréotypes négatifs et de sexisme. Ces expériences s’accumulent au fil du temps et peuvent avoir pour effet de réduire une personne au silence. Par conséquent, une femme racisée peut hésiter à faire part de ses préoccupations concernant le milieu de travail ou sa propre expérience de harcèlement ou de violence en milieu de travail, par crainte de répercussions ou de nouveaux mauvais traitements. Un employeur inclusif est conscient des besoins divers de ses travailleuses et travailleurs et conçoit ses politiques de manière à favoriser l’inclusion.


Prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail

1. Élaboration d'un plan d’action

Un plan qui établit clairement l’engagement de l’organisation en faveur de l’action servira de guide pour déterminer que tous les éléments nécessaires sont en place pour une mise en œuvre efficace des politiques et procédures pertinentes.

Le plan d’action doit présenter l’engagement de l’organisation à mettre en œuvre ses politiques et procédures destinées à prévenir et éliminer le harcèlement, la discrimination et la violence en milieu de travail. Il doit être adapté au contexte opérationnel spécifique de l’organisation, et pourrait également inclure les éléments suivants :

  • un engagement et des dates cibles pour la révision et la mise à jour de la politique de prévention et d'élimination du harcèlement et de la violence en milieu de travail, tout matériel de formation connexe et autres documents connexes;
  • une liste des cours de formation obligatoires pour les travailleuses et travailleurs nouvellement arrivés et des cours de recyclage pour les travailleuses et travailleurs actuels, ainsi que d'autres formations et cours qui pourraient les intéresser;
  • un calendrier pour la formation de tout le personnel, y compris les dates limites pour les formations à recevoir par les travailleuses et travailleurs nouvellement arrivés;
  • des lignes directrices pour la sélection et la formation des personnes qui auront à donner des conseils, à effectuer des médiations et à mener des enquêtes concernant le harcèlement et la violence en milieu de travail;
  • un plan de communication concernant la transmission des renseignements aux travailleuses et travailleurs actuels et potentiels, et à la population, au besoin.

2. Conception et mise en œuvre d'une politique

Une partie des obligations d’un employeur en vertu de la LCDP et d’autres lois fédérales consiste à élaborer et à mettre en œuvre une politique de prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail. Les politiques et les procédures élaborées pour lutter contre le harcèlement et la violence en milieu de travail peuvent être distinctes, faire partie des politiques anti-discrimination et des procédures de résolution des plaintes de l’employeur ou y être associées.4

Les politiques et les procédures en matière de harcèlement et de violence dans le milieu de travail doivent être adaptées pour refléter le milieu de travail spécifique, les exigences professionnelles, les données démographiques des travailleuses et travailleurs et le secteur dans lequel l’employeur exerce ses activités. Par exemple, les petites entreprises de transport qui n’ont pas de service affecté aux relations de travail ont des considérations et des besoins différents de ceux d’une grande institution financière. Cependant, quelle que soit la nature de l’entreprise, la taille de l’employeur ou les données démographiques du milieu de travail, une politique claire, complète et accessible est la pierre angulaire des initiatives qu'une organisation peut réaliser pour prévenir et régler efficacement le harcèlement et la violence en milieu de travail.

Dans l’Annexe B, on trouve un aperçu des éléments clés d’une politique globale de prévention et de règlement des incidents de du harcèlement et de la violence en milieu de travail. On peut aussi consulter le modèle de politique de prévention et de règlement des incidents de harcèlement et de la violence en milieu de travail, publié par la CCDP


On peut trouver des conseils supplémentaires dans des documents publiés par le gouvernement du Canada sous le titre l'Exemple de guide de l’utilisateur pour la prévention du harcèlement et de la violence et l’Exemple de politique de prévention du harcèlement et de la violence. Ces documents décrivent les rôles de l’employeur, du bénéficiaire désigné, des travailleuses et travailleurs et du partenaire concerné en vertu du Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail.


3. Évaluation du milieu de travail

Un certain nombre de facteurs peuvent contribuer au harcèlement et à la violence en milieu de travail, comme les caractéristiques de la clientèle5, l’environnement physique de travail, l’activité professionnelle et la culture organisationnelle. L’objectif d’une évaluation du milieu de travail est de cerner les risques qui existent dans le milieu de travail en lien avec la discrimination, le harcèlement et la violence, afin que les problèmes puissent être traités de manière proactive.  

Le Règlement exige que l’évaluation du milieu de travail soit mise à jour tous les trois ans. Toutefois, la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) recommande aux employeurs de procéder à des évaluations annuelles.


On peut trouver des conseils supplémentaires dans le document publié par le Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada (EDC) sous le titre Exemple d’outil d’évaluation des risques de harcèlement et de violence au travail.


4. Formation obligatoire

Chaque travailleuse et travailleur, y compris les cadres, doit recevoir une formation sur la discrimination, le harcèlement et la violence en milieu de travail au moins une fois tous les trois ans, ou plus souvent si nécessaire. Les travailleuses et travailleurs nouvellement arrivés doivent recevoir une formation dans les trois mois suivant le début de leur période de travail.

Au minimum, la formation doit couvrir : 

  1. comment reconnaître, minimiser et prévenir le harcèlement, la violence et la discrimination en milieu de travail, avec des exemples adaptés au milieu de travail; 
  2. la relation entre le harcèlement et la violence dans le milieu de travail et les motifs de distinction illicite énoncés dans la LCDP; 
  3. les éléments de la politique de prévention du harcèlement et de la violence dans le milieu de travail.

La CCDP recommande que la formation soit dispensée par une personne ayant une expertise avérée dans le domaine et, de préférence, une expérience vécue.

Nécessité de permettre aux travailleuses et travailleurs de signaler le harcèlement et la violence

Accès à un mécanisme pour signaler le harcèlement et la violence en milieu travail

Les travailleuses et les travailleurs doivent avoir un accès libre à un processus leur permettant de signaler les incidents de harcèlement et de violence en milieu de travail et de déposer des plaintes. Plus un processus est accessible et facile à naviguer, plus il sera efficace pour prévenir et traiter les incidents de manière concrète et dans les délais. L’employeur doit communiquer l’ensemble des options disponibles aux personnes qui pourraient se manifester. 

Les étapes à suivre pour signaler du harcèlement ou de la violence en milieu de travail doivent être claires, directes, rédigées dans un langage simple et disponibles dans des formats accessibles. Les éléments clés suivants du processus de signalement doivent être bien visibles dans les politiques, les fiches d’information, les documents relatifs aux ressources humaines et tout autre document relatif au bien-être au travail :

  • toutes les méthodes acceptables pour signaler un incident de harcèlement ou de violence en milieu de travail (c’est-à-dire par courrier électronique, verbalement, par téléphone, etc.)
  • l’identification claire du destinataire désigné6 (c’est-à-dire la personne qui a la responsabilité de recevoir un signalement de harcèlement ou de violence en milieu de travail — personnel des Ressources humaines, superviseure ou superviseur, cadre de direction, etc.);
  • une déclaration soulignant que toutes les plaintes de harcèlement ou de violence en milieu de travail seront prises au sérieux et traitées rapidement;
  • une déclaration insistant sur le fait que les victimes et les témoins qui signalent des incidents de harcèlement et de violence en milieu de travail seront protégés contre des représailles;7
  • une déclaration précisant que les personnes souhaitant déposer une plainte auprès de la CCDP doivent le faire dans l’année qui suit le dernier incident de discrimination ou de harcèlement.

Obstacles au signalement

Si l'on intervient pas pour éliminer les obstacles au signalement, les employeurs ne seront pas en mesure de s'occuper efficacement des incidents de harcèlement et de violence en milieu de travail, et ce dernier risque d’être empoisonné. Si un employeur n’élimine pas les obstacles au signalement, il peut être tenu responsable en vertu de la LCDP si les incidents de harcèlement sont un jour renvoyés au Tribunal canadien des droits de la personne en vue d'une audience.

Il arrive assez souvent qu'une travailleuse ou un travailleur qui subit de la discrimination, de violence ou de harcèlement, et en particulier de harcèlement sexuel, hésite à se manifester. Cette réticence augmente si cette personne a le sentiment que les plaintes en milieu de travail ne sont pas traitées de manière sérieuse et rapide et ne changent pas grand-chose. 


Hésitation à faire un signalement en raison de l’expérience vécue

Si une travailleuse ou un travailleur trans a déjà subi du harcèlement chez d'autres employeurs sans avoir pu prendre des recours, cette personne peut hésiter à formuler des allégations de harcèlement par crainte de vivre un nouveau traumatisme. Puisqu'il ne connaît peut-être pas le passé de cette personne, l’employeur actuel aurait encore plus avantage à insister auprès de son personnel sur le fait qu’il s’agit d’un milieu de travail mobilisé à prévenir et à régler efficacement les incidents de harcèlement et de violence en milieu de travail.


Les travailleuses et les travailleurs doivent avoir l'assurance que : 

  • l’employeur s’engage à maintenir un milieu de travail sain où les travailleuses et les travailleurs se sentent aussi en sécurité que possible pour signaler leurs préoccupations;
  • toutes les plaintes seront prises au sérieux, traitées rapidement dès leur réception et réglées de manière concrète;
  • les enquêtes seront menées de manière équitable, dans les délais8 et en tenant compte de l’expérience vécue des personnes qui ont subi du harcèlement ou de la violence en milieu de travail;
  • les décisions, les mesures et les redressements qui résultent d’une enquête sur des incidents de harcèlement ou de violence en milieu de travail : 
    • soient communiquées aux parties concernées; 
    • tiennent compte de tous les incidents individuels et de la culture générale du milieu de travail; 
    • incluent des mesures visant à rétablir et à améliorer la sécurité du milieu de travail pour l'ensemble des travailleuses et des travailleurs;
    • contiennent des recommandations pour offrir des activités de formation et d'éducation pertinentes au personnel. 

Éléments clés d’une procédure de plainte efficace

Communication

Il est important que toutes les parties concernées (y compris les témoins) soient avisées lorsqu’une plainte formelle a été déposée, et qu’elles soient informées des mesures prises à mesure que le processus de résolution de la plainte se déroule.

Des voies de communication claires et des mises à jour régulières pour toutes les parties doivent être maintenues tout au long du processus, du début à la fin.

Règlement officiel ou informel

Quand c'est possible, un règlement informel peut donner l’occasion de régler un différend d’une manière mutuellement respectueuse, tout en évitant que la situation dégénère. Des procédures de plainte permettent de séparer les processus officiels et informels. 

Les processus informels visent à résoudre les problèmes de droits de la personne sans enquête officielle sur le bien-fondé des allégations. Cela se fait en facilitant la communication entre les personnes concernées. Ce type de processus informel ne convient habituellement pas s'il est question d’allégations graves ou systémiques ou si la partie principale9 préfère un examen officiel des allégations. La partie principale doit être en accord avec la méthode de règlement utilisée tout au long du processus, et il faut respecter et appliquer sa décision de ne pas continuer un processus de règlement informel pour commencer un examen formel.

On peut trouver d'autres renseignements dans notre guide complémentaire intitulé Approche fondée sur les droits de la personne pour les enquêtes en milieu de travail — Orientations et bonnes pratiques.

Règlement alternatif des différends

En règle générale, la plupart des milieux de travail mettent à la disposition du personnel différents types de mécanismes de règlement alternatif des différends. Ces options peuvent constituer un compromis approprié entre un règlement anticipé ou informel et un processus d’enquête plus officiel. Les processus de règlement alternatif des différends sont facilités par un tiers, comme une médiatrice ou un médiateur, mais peuvent prendre différentes formes selon les circonstances, les normes culturelles et la disponibilité des services dans une région donnée. Bien qu’ils ne soient généralement pas aussi efficaces que les réunions en face à face, les processus virtuels comme ceux menés sur des plates-formes technologiques peuvent être utiles pour surmonter des obstacles comme l’accès aux médiatrices et médiateurs ou le malaise éprouvé par une partie principale obligée d'être dans le même espace physique que la personne qui l'aurait harcelée.

On peut trouver d'autres renseignements dans notre guide complémentaire intitulé Approche fondée sur les droits de la personne pour les enquêtes en milieu de travail — Orientations et bonnes pratiques.

Processus d’enquête et d’établissement des faits

Les enquêtes ou les processus officiels d’établissement des faits sont appropriés lorsqu'un règlement anticipé ou informel d'un différend ou un mécanisme de règlement alternatif des différends ne permettent pas de trouver une solution à la plainte. Elles constituent également une bonne pratique lorsqu'il s'agit d'incidents graves de harcèlement ou de violence ou lorsque les premiers signalements suggèrent qu’il pourrait y avoir un problème systémique en milieu de travail.

Un employeur doit lancer de manière proactive un processus d’enquête s'il reçoit une plainte anonyme, ou s'il a des raisons de croire qu’il y a du harcèlement ou de la violence dans le milieu de travail. Les enquêtes amorcées par l’employeur peuvent constituer un outil important pour cerner et prévenir de manière proactive les comportements qui peuvent être inappropriés ou discriminatoires. Les employeurs peuvent être tenus légalement responsables s’ils savaient ou auraient dû savoir qu’il y avait du harcèlement en milieu de travail, mais n’ont pas pris les mesures appropriées pour prévenir, cerner, enquêter et traiter le comportement.10

La façon dont un employeur choisit un enquêteur est importante pour la crédibilité du processus. Les enquêteurs doivent être sélectionnés dans le cadre d’un processus transparent et collaboratif. L’employeur, la partie principale et la partie intimée11 doivent tenter de se mettre d’accord sur le choix d’un enquêteur qualifié. Pour être sélectionnée pour mener une enquête, une personne doit avoir les qualifications suivantes : 

  • être formée et expérimentée en matière de techniques d’enquête. Dans certaines circonstances, il sera important que l’enquêteur ait de l’expérience dans la conduite d’enquêtes tenant compte des traumatismes;
  • posséder des connaissances, une formation et une expérience pertinentes en matière de harcèlement et de violence en milieu de travail, y compris une expertise spécifique en matière d’égalité réelle, de racisme, de sexisme, de colonisation, de préjugés inconscients, de théorie du traumatisme, de violence sexiste et (ou) de discrimination systémique; 
  • avoir une compréhension et une expérience de l’application de la législation relative au harcèlement et à la violence en milieu de travail (par exemple, la LCDP, le Code, le Règlement). 

Il est important de noter que, quelle que soit la manière dont elle est menée, chaque enquête doit être conforme aux principes d’équité procédurale, à savoir être impartiale, équitable et approfondie.  

On peut trouver d'autres renseignements dans notre guide complémentaire intitulé Approche fondée sur les droits de la personne pour les enquêtes en milieu de travail — Orientations et bonnes pratiques.

Plaintes fondées

Lorsqu’une plainte est fondée, cela signifie que l’incident allégué a été confirmé et vérifié en tant que harcèlement ou violence en milieu de travail. L’étape suivante est importante : l’autorité détenant le pouvoir décisionnel doit documenter sa décision officielle et mettre en œuvre des mesures correctives et des redressements sans délai. Une situation n’est pas entièrement réglée tant que l’employeur et les travailleuses et travailleurs ne peuvent pas passer du règlement de la plainte au rétablissement du milieu de travail.  

C’est une bonne pratique de transmettre autant de renseignements que possible tout au long de la procédure de plainte à une travailleuse ou un travailleur ayant subi du harcèlement ou de la violence en milieu de travail. Cela comprend des renseignements sur les résultats de l’enquête et les mesures prises pour rétablir le milieu de travail. Bien qu’il puisse y avoir des raisons de garder les procédures d’enquête confidentielles (intégrité du processus, confidentialité des témoins, etc.), une victime peut avoir besoin de savoir quelles mesures ont été prises après la fin d’une enquête afin de se sentir à l’aise dans le milieu de travail.

Plaintes non fondées

Toute politique relative au milieu de travail portant sur la manière de répondre aux plaintes de harcèlement et de violence en milieu de travail doit clairement indiquer ce qui se passera lorsqu’une plainte n’est pas fondée, se révèle fausse ou n’est pas qualifiée de harcèlement ou de violence en milieu de travail. Tout d’abord, il est important que le langage utilisé pour aborder cette situation soit soigneusement formulé pour éviter de dissuader d’autres travailleuses ou travailleurs de se manifester. Les sanctions pour avoir déposé des plaintes non fondées devraient être réservées aux situations les plus flagrantes (c’est-à-dire qu’il existe des preuves concrètes et convaincantes de malveillance de la part de la partie principale). Compte tenu de la difficulté de prouver les allégations de harcèlement ou de discrimination, les employeurs devraient éviter les avertissements de mesures disciplinaires pour des allégations non fondées, car ils peuvent avoir un effet dissuasif important sur les victimes qui pourraient déjà hésiter à se manifester.

Appels

Les employeurs doivent établir une procédure que les travailleuses et les travailleurs pourront utiliser pour faire appel de la décision prise concernant leur plainte. Il est bon de faire savoir aux travailleuses et aux travailleurs que cette option est possible lorsqu’on communique la décision finale à la partie principale (autrement dit la travailleuse ou le travailleur).  

Si l’une des parties concernées par une plainte estime que celle-ci n’est pas traitée conformément à la politique, elle peut contacter la personne de la haute gestion qui est responsable du processus de traitement des plaintes. Si les problèmes de procédure ne sont pas résolus, l’affaire peut être renvoyée au chef de la conformité et de l’application du Conseil canadien des relations de travail, conformément au paragraphe 127.1(8) du Code.

De plus, pour les cas qui concernent l’un des motifs de distinction illicite inscrits à l’article 3 de la LCDP, les parties principales doivent également être informées qu’elles peuvent déposer une plainte en vertu de la LCDP ou du Code.

Rétablissement du milieu de travail

Le rétablissement du milieu de travail est une étape cruciale pour remédier au préjudice causé par le harcèlement et la violence en milieu de travail, et pour prévenir d’autres incidents. Les employeurs doivent disposer d’un plan pour gérer les situations difficiles et complexes liées au harcèlement et à la violence dans le but de rétablir un milieu de travail respectueux, non seulement pour les parties en cause dans un incident/une plainte, mais aussi pour l’équipe tout entière.

Pour rétablir efficacement un milieu de travail, l’employeur doit activement, délibérément et de manière répétée dire aux travailleuses et aux travailleurs qu'on leur donne et leur donnera un environnement sécuritaire, le soutien et l'écoute nécessaires et que leur employeur s’engage pleinement à fournir un environnement sans harcèlement, violence ni discrimination. Il est impossible d'en faire trop lorsqu'il est question de communiquer ces messages fondamentaux aux membres du personnel.

Soutien et mesures d'adaptation

Le rétablissement du milieu de travail à la suite d’une plainte pour harcèlement ou violence en milieu de travail consiste en partie à soutenir les travailleuses et les travailleurs tout au long du processus de règlement des incidents et au-delà. Les programmes internes de soutien aux travailleuses et aux travailleurs, comme les programmes d’aide aux employés (PAE), doivent être accessibles à l'ensemble de l'effectif et pas seulement aux personnes concernées directement par un incident de harcèlement ou de violence en milieu de travail. En outre, l'employeur doit préparer et publier une liste des services médicaux, psychologiques et autres services de soutien qui sont à la disposition des travailleuses et des travailleurs dans leur région.

L'employeur doit faire savoir à ses travailleuses et travailleurs qu’il reconnaît que la discrimination, le harcèlement ou la violence en milieu de travail peuvent avoir de graves conséquences sur la santé mentale et physique, au point où une victime pourrait développer une déficience. Dans ce cas, la travailleuse ou le travailleur en question pourrait avoir besoin de mesures d’adaptation temporaires ou permanentes, selon ses besoins, pour lui permettre de continuer de travailler.

Annexe A : Lois à comprendre

Loi canadienne sur les droits de la personne

La LCDP protège les travailleuses et les travailleurs des milieux sous réglementation fédérale contre le harcèlement fondé sur les motifs de distinction illicite suivants : la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, la déficience, l’état de personne graciée (autrement dit une condamnation qui a fait l'objet d'une réhabilitation ou d'une suspension du casier judiciaire).

En vertu de l’article 14 de la LCDP, le harcèlement d’une personne ou d’un groupe de personnes fondé sur un motif de distinction illicite constitue un acte discriminatoire.

En vertu de l’article 14.1 de la LCDP, le fait d’exercer des représailles ou de menacer d’exercer des représailles à l’encontre d’une personne qui a déposé une plainte ou d’une personne qui agit en son nom constitue un acte discriminatoire. Les représailles peuvent consister en toute forme de traitement défavorable lié au dépôt de la plainte.

En vertu du paragraphe 65(1) de la LCDP, l’employeur est légalement responsable des actes de ses travailleurs, entrepreneurs ou autres personnes avec lesquelles il a une relation d’emploi. La législation sur les droits de la personne définit les relations de travail de manière large. Dans certains cas, tant l’employeur que l’organisation bénéficiaire des services peuvent être responsables si un entrepreneur est harcelé dans le cadre de son emploi.

En vertu du paragraphe 65(2) de la LCDP, une organisation ne peut pas être tenue responsable des gestes d'une de ses travailleuses ou d’un de ses travailleurs si elle « établit que [le harcèlement] a eu lieu sans son consentement, qu'[elle] avait pris toutes les mesures nécessaires pour l’empêcher et que, par la suite, [elle] a tenté d'en atténuer ou d'en annuler les effets. » Toutefois, pour satisfaire à la norme de diligence raisonnable mentionnée dans cette section de la LCDP, l’organisation doit être en mesure de démontrer qu'elle a mis en place des mesures accessibles, claires et efficaces pour prévenir le harcèlement, répondre aux signalements de harcèlement et réparer les dommages causés par le harcèlement. 

Loi sur l’équité en matière d’emploi

La Loi sur l’équité en matière d’emploi (LEE) a été adoptée en 1995. Elle a pour objet de réaliser l’égalité des chances dans les milieux de travail sous réglementation fédérale en veillant à ce qu'on ne refuse pas des avantages ou des chances en matière d'emploi à certaines personnes pour des raisons discriminatoires. Plus précisément, la LEE vise à corriger toute condition de désavantage en matière d’emploi subie par les membres de quatre groupes désignés : les femmes, les Autochtones, les personnes en situation de handicap et les membres de groupes racisés.12 La LEE exige que les employeurs sous réglementation fédérale comptant au moins 100 employés établissent des pratiques d’emploi proactives, comme des mesures spéciales, afin de remédier aux désavantages et aux écarts persistants dans la représentation des quatre groupes désignés.

Si l'on n'intervient pas, le harcèlement et la violence en milieu de travail deviennent des obstacles à l’emploi pour l'ensemble des travailleuses et des travailleurs, et en particulier pour les personnes qui peuvent subir de multiples formes intersectionnelles de discrimination dans le domaine de l’emploi. Par conséquent, en vertu de la LEE, un employeur a l'obligation légale de prévenir et de régler les incidents de harcèlement et de violence discriminatoires en milieu de travail.

Code canadien du travail

Les employeurs sous réglementation fédérale ont des obligations supplémentaires en vertu du  Code depuis le 1er janvier 2021, date d’entrée en vigueur des modifications apportées au Code et au Règlement qui l’accompagne. Ces changements ont élargi le cadre existant de prévention de la violence et renforcé les dispositions du Code en mettant en place une approche globale unique qui prend en compte toutes les formes de harcèlement et de violence.

Ces changements ont également élargi de manière significative les obligations légales des employeurs sous réglementation fédérale en matière de prévention et de règlement des incidents de harcèlement et de violence en milieu de travail. En particulier, le Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail définit les exigences que les employeurs doivent respecter afin de satisfaire à leurs obligations de prévenir les incidents de harcèlement et de violence en milieu de travail, y compris le harcèlement sexuel et la violence sexuelle, d’enquêter, de tenir des registres et de produire des rapports sur de tels incidents, et de fournir une formation dans ce domaine.

Annexe B : Aperçu de la politique de prévention et de règlement des incidents de harcèlement et de la violence en milieu de travail

Ce qui suit est un aperçu qui peut être lu en complément du document publié par la Commission canadienne des droits de la personne sous le titre Prévention et règlement des incidents de harcèlement et de la violence en milieu de travail – Un modèle de politique pour les employeurs sous réglementation fédérale.

Titre de la politique

Le titre doit refléter clairement l’obligation et l’engagement de l’employeur à prévenir et à régler les incidents de harcèlement et de la violence en milieu de travail.

Par exemple : « Politique sur la prévention et le règlement des incidents de harcèlement et de la violence en milieu de travail »

PARTIE A — ENGAGEMENTS ET APPLICATION

Déclaration d’engagement

La politique doit contenir une déclaration de l’engagement de l’organisation à créer et à maintenir le respect des droits de la personne et à favoriser l’égalité et l’inclusion. Cette déclaration ne doit pas se trouver dans la section sur l’objet ou les objectifs de la politique.

Énoncé de politique

L’énoncé de la politique doit présenter les objectifs de la politique et faire prendre conscience à toutes les personnes que la discrimination, le harcèlement et la violence sont des pratiques inacceptables et une violation de la loi. La section doit également indiquer clairement que la discrimination est interdite par la Loi canadienne sur les droits de la personne et mentionner que l'employeur a des obligations en vertu de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, du Code canadien du travail et du Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail.

Portée ou application

La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) recommande que la portée reflète l’ensemble de l'effectif, toutes ses fonctions et la pleine ampleur des interactions des travailleuses et travailleurs avec le public, au besoin.

Concepts clés et définitions

La politique doit contenir une section qui définit les concepts clés, comme la discrimination, en plus du harcèlement et de la violence en milieu de travail. Elle devrait également proposer des exemples pour préciser les concepts et pourrait fournir des définitions de concepts pertinents ou de formes connues de discrimination, comme le racisme, l’hétérosexisme, l’homophobie, etc.

Responsabilités et attentes

La politique doit définir les rôles et les responsabilités des différentes parties présentes dans l’organisation. Elle doit également inclure les titres de poste et les coordonnées des personnes qui devront rendre des comptes sur l’efficacité de la politique et qui seront responsables de la prise des décisions concernant la politique.

On peut obtenir des conseils sur le Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail en consultant les documents publiés par le gouvernement du Canada sous les titres Exemple de guide de l’utilisateur pour la prévention du harcèlement et de la violence et Exemple de politique de prévention du harcèlement et de la violence. Ces documents décrivent les rôles de l’employeur, du destinataire désigné, des travailleuses et travailleurs et du partenaire concerné.

PARTIE B — FORMATION ET PRÉVENTION

Formation sur le harcèlement et la violence en milieu de travail

La politique doit contenir un résumé de la formation qui sera donnée aux travailleuses et travailleurs en lien avec la discrimination, le harcèlement et la violence en milieu de travail.

Évaluation du milieu de travail

La politique doit contenir une section décrivant les facteurs de risque qui contribuent à la discrimination, au harcèlement et à la violence, y compris les facteurs internes et externes par rapport au milieu de travail. Pour obtenir des conseils supplémentaires sur l’évaluation du milieu de travail, on peut consulter le document publié par le gouvernement du Canada sous le titre Exemple d’outil d’évaluation des risques de harcèlement et de violence dans le lieu de travail.

Mesures préventives

Les mesures préventives dépendront des risques que vous avez cernés dans votre politique. Il peut s’agir de mesures telles que l’élaboration ou la mise à jour de politiques et de procédures, y compris le code de conduite en milieu de travail, la prestation d’une formation complémentaire, la réalisation d’enquêtes en milieu de travail et l’orientation des personnes vers des mesures de soutien, comme un programme d’aide aux employés.

PARTIE C — DÉPÔT ET TRAITEMENT D’UNE PLAINTE

Procédure de plainte

Un processus de résolution des plaintes doit définir un mécanisme clair, équitable et efficace pour recevoir et résoudre les plaintes de discrimination, de harcèlement ou de violence en milieu de travail. Il doit inclure des procédures d’urgence dans le cas où la situation présente un danger immédiat pour la santé et la sécurité d’une travailleuse ou d'un travailleur.

Cette section de la politique doit aussi inclure des renseignements sur ce que les travailleuses et les travailleurs peuvent faire pour contester les aspects procéduraux du processus de plainte.  

PARTIE D — AUTRES PROCÉDURES

Risques externes

Cette section doit décrire comment les employeurs prévoient d’atténuer les risques externes de harcèlement et de violence touchant les travailleuses et les travailleurs (par exemple, les situations de violence conjugale).

Mesures d’urgence

Cette section doit indiquer comment une travailleuse ou un travailleur doit réagir face à un risque immédiat de violence physique. Elle doit également diriger les travailleuses et les travailleurs vers les procédures d’urgence détaillées de l’organisation.

Mesures de soutien et d’adaptation

Cette section doit fournir la liste des organisations locales qui peuvent soutenir les travailleuses et les travailleurs qui ont subi du harcèlement et de la violence en milieu de travail. Elle doit aussi contenir une déclaration de l’organisation quant à son engagement à prendre des mesures d’adaptation pour les travailleuses et les travailleurs vivant des situations qui ont été précipitées par des actes de harcèlement ou de violence en milieu de travail.

Tenue de dossiers

Cette section indique quels dossiers seront conservés et qui est responsable de leur conservation.

Autres recours

Cette section décrit les autres procédures à la disposition des travailleuses et des travailleurs qui veulent porter plainte pour harcèlement ou violence en milieu de travail (p. ex., la CCDP, les griefs syndicaux).

Vie privée et confidentialité

Cette section décrit comment les personnes qui participent à la procédure de plainte remplissent leurs obligations en matière de vie privée et de confidentialité. Au besoin, elle doit également indiquer quelle autorité juridique ou politique doit veiller au respect de ces obligations. Les personnes concernées par cette section comprennent toute personne qui a un rôle à jouer dans le processus de plainte ou d'enquête.

Demandes de renseignements

Cette section indique les coordonnées de la personne ou du responsable du poste en ce qui a trait à la procédure de traitement des plaintes. 

Annexe C : Ressources supplémentaires

Législation fédérale

Une introduction à la politique : Guide d’élaboration des politiques et procédures en matière de droits de la personne, 2013, Commission ontarienne des droits de la personne, en ligne à https://www.ohrc.on.ca/fr/une-introduction-%C3%A0-la-politique-guide-d%E2%80%99%C3%A9laboration-des-politiques-et-proc%C3%A9dures-en-mati%C3%A8re-de

Boîte à outils d’accessibilité numérique, 2019, Gouvernement du Canada, en ligne à https://a11y.canada.ca/fr/

Obligations des employeurs pour prévenir le harcèlement et la violence en milieu de travail sous réglementation fédérale, 2020, Gouvernement du Canada, https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/sante-securite-travail/prevenir-harcelement-violence.html 

Prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail (HVP) — 943-1-IPG-104, en ligne à https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/lois-reglements/travail/interpretations-politiques/104-prevention-harcelement-violence.html 

Exemple de politique de prévention du harcèlement et de la violence, 2020, Gouvernement du Canada, en ligne à https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/sante-securite-travail/prevenir-harcelement-violence/exemple-politique.html 

Exemple de guide de l’utilisateur pour la prévention du harcèlement et de la violence, 2020, Gouvernement du Canada, en ligne à https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/sante-securite-travail/prevenir-harcelement-violence/exemple-guide-utilisateur.html

Exemple d’outil d’évaluation des risques de harcèlement et de violence au travail, 2021, Gouvernement du Canada, en ligne à https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/sante-securite-travail/prevenir-harcelement-violence/outil-evaluation-risques.html